Rencontre avec le comédien Dieudonné, membre actif du collectif Egalité pour une meilleure représentation des noirs à la télévision. Il dénonce le racisme distillé dans la société française par la classe politique, la religion, les médias.
Dieudonné M’bala M’bala, 34 ans, humoriste, militant associatif, homme politique et homme d’affaires. Né en France, métis d’origine camerounaise. Signe de reconnaissance ? Une propension à provoquer, voire déranger. Son cheval de bataille du moment ? La lutte au sein du collectif Egalité pour une meilleure représentation des noirs à la télévision. Lui, se dit déterminé. Démonstration.
Afrik : Vous avez participé, en mai dernier, à la « Marche du peuple noir pour l’honneur et le respect », à l’initiative du collectif Egalité. Comment expliquez-vous l¹absence, à cette manifestation, des principales associations antiracistes telles que SOS Racisme ou le Mrap ?
Dieudonné : Il n’y a pas d’associations qui remplissent aujourd’hui les attentes de la communauté noire. SOS Racisme est une permanence du Parti Socialiste, une plate-forme de départ pour les jeunes issus de l’immigration qui veulent faire de la politique. Avec le collectif Egalité, on a affaire pour la première fois à un mouvement réellement coupé de la classe politique.
Afrik : Quelles sont les attentes de la communauté noire et comment le collectif Egalité peut y répondre ?
Dieudonné : D’avantage de respect de la culture, de l’identité, de la dignité du peuple noir. Nous voulons lutter concrètement pour l’égalité des obtentions d’emploi, de logement, de traitement par la police et les CRS.
L’homme noir n’a pas la même valeur dans le système dans lequel nous vivons, encore très sensible au dogme religieux qui nous définit comme des êtres inférieurs. Aucun pape n’est noir. L’Eglise est garante des valeurs de ce système.
Afrik : Si le racisme envers les Noirs est un problème religieux issu de la domination judéo-chrétienne, pensez-vous que les Musulmans soient davantage intégrés en France ?
Dieudonné : Absolument parce qu’il existe un rapport de force, une intégration par la violence. Le peuple noir a choisi la sagesse à la Martin Luther King. Mais ça change, certains mouvements noirs violents émergent.
Afrik : Êtes-vous favorable à cette violence ?
Dieudonné : Non, la violence est une erreur. Mais ça me rassure de voir des Noirs qui mettent la pression, qui servent de garde-fous à la violence du Front National.
Afrik : Le système des quotas pour une meilleure représentations des Noirs dans les médias est l’une des principales revendications du collectif Egalité. Quelle est votre position à ce sujet ?
Dieudonné : Je trouve ça génial l’idée des quotas, ça lance la polémique mais ce n’est absolument pas applicable. Moi, je suis métis, quelle est ma part de Blanc, quelle est ma part de Noir ? La notion de quotas est de toute façon en phase avec cette hostilité ambiante dominée par le racisme. Les quotas provoquent le système républicain qui refuse de voir les fractures ethniques.
Afrik : Si demain les quotas sont appliqués à la télévision, pensez-vous qu’il y ait réellement moins de racisme en France ?
Dieudonné : Absolument. ça montrerait qu’il n’y a pas de différences entre les Noirs et les Blancs. Un homme noir en France ne peut pas se reconnaître à la télévision française. Un responsable de chaîne me disait récemment : « Moi, j’aimerais bien prendre des Noirs, mais on n’en a pas trouvé qui aient des compétences. » C’est incroyable !
Afrik : Ne craignez-vous pas que les quotas n¹entraînent une ghettoïsation des Noirs à la télévision ? Et que l’on cantonne les Noirs à des postes stéréotypés, histoire d’avoir bonne conscience ?
Dieudonné : C’est un début. On n’a pas à rougir de ça. Bien sûr, le Noir qui ira à la télévision ne sera ni un créatif, ni un révolutionnaire, ni vêtu en costume traditionnel. Tant pis si ce sera une marionnette. Pour l’instant il n’y a personne !
Afrik : La ministre de la Culture et de la Communication, Catherine Tasca a demandé à Lionel Jospin une modification du cahier des charges des chaînes publiques afin que les minorités ethniques y soient mieux représentées. Êtes-vous satisfait ?
Dieudonné : Catherine Tasca n’a fait qu’écouter, elle n’est pas à l’origine du projet. Cela fait un an et demi que des hommes se battent sur le terrain. La classe politique devrait faire preuve de plus d’humilité. Encore une fois, on a l’impression qu’un ministre accorde la justice au peuple !
Pour l’instant, j’observe. J’observe que lorsque deux fermiers blancs meurent au Zimbabwe on en parle au 20 heures. Trois noirs aux Etats-Unis se font tuer, ça ne choque personne !