Neufs logiciels Microsoft sur dix sont piratés en Afrique. Les contrefaçons gagnent toutes les couches de la société : que ce soit chez les revendeurs, chez les clients, entreprises ou particuliers. Voilà pourquoi le géant américain de l’informatique a voulu faire de la lutte contre le piratage, une affaire personnelle. Au Nord comme au Sud du continent, le combat est renforcé depuis plus d’un an, de façon différente.
80%. C’est le taux de piratage de logiciels en Afrique occidentale et en Afrique centrale que subit Microsoft. La régression de ce taux de 10% seulement, représenterait un doublement du chiffre d’affaires de la firme de Bill Gates. Il passerait de 9 à 18 millions de dollars pour les 23 pays concernés de la sous-région. Le géant américain a déjà commencé sa guerre contre les pirates sur le continent, une guerre qui n’utilise pas les mêmes méthodes, à l’ouest, comme au Nord.
La méthode douce ivoirienne
En Côte d’Ivoire, où Microsoft est implanté depuis 1987, cette lutte passe par l’information. Des colloques sont donc régulièrement organisés en ce sens, car, pour Namissita Bakayoko, responsable Microsoft en Côte d’Ivoire, le piratage est répandu, « par manque d’informations ». A ces colloques, on révèle au public, les inconvénients du manque de licence qui empêche d’accéder aux supports techniques et au service après-vente. On sensibilise également les gens sur l’absence de la garantie et le coût élevé de ces produits piratés. Il est rappelé aux revendeurs agréés chez Microsoft, les 20% de marge de profit auxquels ils ont droit. A cette lutte douce, s’ajoute l’envoi de brochures d’information. Au contrevenant qui enfreint (malgré tout ces dispositions) la loi, une première phase d’enquête est menée pour vérifier sa bonne foi. Soit on le remercie de sa bonne volonté, soit on le rappelle à l’ordre. Pour la personne qui s’entête, c’est un cabinet d’entreprises qui se charge du dossier. Mais rarement, ces affaires ont été « aussi loin », reconnaît Namissita Bakayoko. « Une seule fois, un homme a écopé d’une amende de 25 millions de F CFA (environ 40 000 euros) et de deux ans de prison ferme », une sanction jugée très en-dessous « de ce qu’elle devrait être, vu ce qu’il avait fait ».
La sévérité marocaine
Au Maroc, l’heure n’est plus à l’information, ni à la sensibilisation. Pour Patrick Fabre, responsable de la formation et consulting chez Datalink à Casablanca, un partenaire Microsoft, il a fallu une « loi pour mieux lutter contre cette piraterie au Maroc ». Pour ce faire, un lobbying a été créé et après une pression sur les gouvernements, une loi de lutte contre le piratage a vu le jour. Le BFA (un bureau de lutte contre le piratage) s’appuie sur une législation et fait des visites inopinées dans les entreprises pour des contrôles. En général, les sanctions sont des amendes, rarement de la prison. Cette loi, appliquée depuis plus d’un an au Maroc, a permis des « sanctions rigoureuses qui sont parfois allées jusqu’à 2 millions de dirhams (200 000 euros) », confie Karim Elibrahimi, Directeur régional de GSI Maroc (Général System Informatic). Pour ce revendeur agréé de licence Microsoft, cette loi a permis de gagner plusieurs marchés de licence, de vendre des services qui étaient gratuits avant la création de la loi, et d’obtenir d’excellents résultats.
Donner pour mieux recevoir
A ceux qui trouvent que le géant américain devrait être compréhensif face à ce continent qui n’a pas un fort pouvoir d’achat, la responsable du marketing en Côte d’Ivoire répond qu’ils ne « sont pas une ONG ». Elle reconnaît tout de même qu’ils ont « assoupli les formules d’acquisition d’achat de logiciel ». L’une de ces « formules », locative, permet à certaines PME (Petites et Moyennes Entreprises), de « louer les logiciels sur trois ans renouvelables autant de fois voulu, plutôt que de les acheter ».
Depuis 17 ans, la Côte-d’Ivoire était le seul pays d’Afrique occidentale et d’Afrique centrale dans lequel était implanté Microsoft. La raison : c’est le plus grand marché de la sous région, avec ses quatre millions d’acheteurs potentiels. Désormais, le géant américain de l’informatique entame une nouvelle expansion. Il a ouvert mardi, un pôle au Sénégal, pour ses deux millions d’acheteurs. Si Namissita Bakayoko reconnaît qu’ils sont en négociation avec le Cameroun, pour son marché de deux millions d’acheteurs aussi, on ne devrait pas voir Microsoft penser au Tchad ou à l’Erythrée, de sitôt.
Le modèle de lutte contre le piratage choisi pour le Sénégal est calqué sur la méthode ivoirienne. Il s’attache à « la sensibilisation, l’explication, la proposition d’assistance », explique Moussa Traoré, le représentant de Microsoft dans le pays. Karim Elibrahimi analyse ce choix par un marché noir africain « moins mûr », par rapport à celui du Maghreb.