La menace terroriste contre la France et ses intérêts à l’étranger se situe à un niveau élevé. C’est ce que révèlent de hautes autorités sécuritaires françaises dans un entretien paru hier dans le journal français Libération.
Les directeurs des services français de renseignement, les RG (Renseignements généraux) et la DST (Direction de surveillance du territoire), qui ont évalué «à un niveau élevé» la menace terroriste contre la France, ont appelé à des «relations plus étroites» avec tous leurs homologues étrangers.
«Nous avons un besoin de relations plus étroites avec tous les services de renseignement étrangers», car «nous ne cherchons plus uniquement des réseaux ou des groupes, mais aussi des individus tout seuls, capables d’actions de type kamikaze», a souligné le patron de la DST, Bernard Squarcini. «Nous avons besoin de l’extérieur et de renforcer nos relations internationales. Car il faut aller chercher très loin ce qui risque de nous revenir sur le territoire national», a-t-il ajouté, estimant que la France se trouve «sous une double menace», sur son «territoire national et ses intérêts à l’étranger. Tout en affirmant que la méthode française des années 95 a été payante, le patron de la DST a indiqué qu’il était temps de revoir la voilure et de l’adapter aux nouvelles menaces.
Pour sa part, le premier responsable des renseignements généraux (RG) a indiqué que «face à l’étendue des nouvelles menaces, il faut absolument que nos deux services soient totalement intégrés l’un à l’autre pour travailler en commun, sur le plus petit élément isolé jusqu’à éventuellement la projection d’une source à l’extérieur afin de suivre le groupe dangereux». Le même responsable a souligné la nécessité d’avoir un fonctionnement interactif, car le contexte international nécessite une riposte extrêmement rapide.
S’adapter aux nouveaux visages du terrorisme
Par ailleurs, le chef de la DST a indiqué qu’il fallait résolument se tourner vers l’avenir.» Tous les services européens constatent chacun dans leur coin la nécessité de revoir le format», car «nous passons à une menace plus diffuse, difforme, constante, qui va s’étaler sur plusieurs dizaines d’années». Estimant qu’une réflexion s’impose sur l’authenticité de la dernière vidéo de Ben Laden, le chef de la DST a affirmé que les terroristes d’Al-Qaïda peuvent frapper quand ils veulent et où ils veulent. «La France n’avait pas besoin de ce message supplémentaire pour savoir qu’elle était ciblée», assure le même responsable. Ce dernier a par ailleurs indiqué que ses services ont arrêté «quelqu’un à Nancy qui, manifestement, offrait ses services, en martyr de la cause, à l’organisation et préparait un passage à l’acte» sur le territoire français. Il ajoutera en outre qu’à Mulhouse, un message inquiétant d’un individu au profil intéressant a été capté. Ce message, poursuit le patron de la DST, indiquait que le 6 septembre, pour Nicolas Sarkozy, ça allait être le 11 septembre. Comme le Président se déplaçait à Mulhouse, l’affaire a été bouclée en quarante-huit heures: il s’agissait d’un simple dossier camisole, et ça a fini par un internement administratif», a-t-il indiqué.
En attendant la fusion des deux services français, le patron des RG a indiqué que le dispositif français de lutte antiterroriste repose sur l’humain. Il notera néanmoins que l’action préventive est couplée aux «déchéances de nationalité et les expulsions» de radicaux, soit «60 depuis quatre ans, 20 depuis le début de l’année». Le responsable des RG soulignera par ailleurs que le champ d’action des RG couvre les «mouvements de réislamisation, les prédicateurs, les gens qui embrigadent» dans «des lieux propices», dont «des associations avec des buts dissimulés» et «le milieu carcéral où se côtoient les condamnés de 95 et des filières afghanes.
«Nous travaillons également sur le phénomène des filières», a pour sa part indiqué le chef de la DST, soulignant que «nous ne sommes plus dans la même configuration qu’en 1995″, car «aujourd’hui, on est face à de l’individuel.
Une menace confirmée au plus haut niveau
Les déclarations des deux responsables français viennent corroborer celles de la ministre française de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie. Il y a une semaine, la ministre française avait estimé qu’une «menace» terroriste existait sur la France «comme sur quasiment tous les pays». Interrogée par la station Radio RCJ sur les récentes déclarations du numéro deux d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, Mme Alliot-Marie a jugé qu’elles «n’apportent rien de nouveau parce que, sous une forme ou une autre, elles ont déjà été formulées». Pour autant, a ajouté la ministre, elles n’enlèvent rien de la vigilance nécessaire parce qu’il est vrai qu’il y a une menace qui existe sur notre pays comme sur quasiment tous les pays», a-t-elle précisé.
Le directeur général de la Police nationale, Frédéric Péchenard, a affirmé de son côté, dans un entretien au Journal du Dimanche, paru il y a quelques jours, que la menace terroriste pesant sur la France était renforcée par la situation au Maghreb. Signalons enfin que les ministres de l’Intérieur français et algérien, Michèle Alliot-Marie et Yazid Zerhouni, ont discuté vendredi dernier de terrorisme et de coopération en matière de sécurité, lors d’une rencontre à Paris. Les deux ministres ont partagé leurs analyses respectives sur le terrorisme et évoqué différents domaines de coopération contre tout ce qui peut être source d’insécurité.
par Djamel B., pour Le Quotidien d’Oran