
Les transferts d’argent des Marocains Résidant à l’Étranger (MRE) représentent une importante source de revenus pour l’économie marocaine, avec près de 10 milliards de dollars envoyés chaque année. Toutefois, une nouvelle directive européenne pourrait mettre en péril cette manne financière essentielle pour le pays. Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib, a exprimé des préoccupations concernant l’impact de cette réglementation sur les banques marocaines et sur les transferts financiers effectués par les MRE.
MRE : environ 20% des dépôts bancaires au Maroc
Les dépôts des MRE représentent environ 20% des dépôts bancaires au Maroc. Sauf qu’ils sont menacés par une nouvelle directive européenne. Lors de la première réunion trimestrielle de son conseil en 2025, Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib (BAM, a attiré l’attention sur une question particulièrement sensible. « C’est un sujet que nous prenons très à cœur, car il pèse à la fois sur la balance des paiements et sur les dépôts bancaires », a-t-il déclaré.
Le gouverneur de la Banque centrale a également exprimé son mécontentement vis-à-vis de la rédaction de la directive européenne, la qualifiant d’orientée de manière à maintenir les flux financiers en Europe. Face à cette situation, les autorités marocaines explorent diverses solutions, y compris des options numériques, pour éviter que cette nouvelle réglementation n’affecte les services offerts par les banques marocaines aux MRE.
Formation d’une « task force permanente » par Bank Al-Maghrib
Pour gérer cette situation, une « task force permanente » a été formée, regroupant le régulateur bancaire, les banques concernées, ainsi que les ministères des Affaires étrangères et des Finances. Cette équipe est déjà en action, entamant des discussions avec les principales parties prenantes en Europe, notamment la Commission européenne et les autorités des pays européens comme la France, l’Espagne, l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas.
Un autre axe de travail consiste à dialoguer avec les banques centrales des pays européens pour clarifier les interprétations nationales de cette directive. Cette directive européenne, élaborée par la direction générale de la stabilité financière (FISMA) de la Commission européenne, vise initialement à limiter l’activité des banques britanniques dans l’Union européenne suite au Brexit. Cependant, en touchant l’ensemble des banques étrangères opérant sur le territoire européen, elle concerne également les banques marocaines, qui possèdent des succursales ou des bureaux de représentation dans plusieurs pays de l’UE.
Obliger les banques marocaines à ouvrir de nouvelles succursales en Europe
Adoptée par le Parlement européen et publiée en juin 2024, cette nouvelle réglementation devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2026. Son objectif est de réduire la présence des banques britanniques sur le marché européen, mais les banques marocaines, disposant de plusieurs filiales en Europe, risquent de subir des restrictions. Une directive antérieure, qui aurait obligé les banques marocaines à ouvrir de nouvelles succursales en Europe et rendu les transferts d’argent plus coûteux, avait déjà soulevé des inquiétudes en 2024. Ce changement risquait de compliquer l’envoi de fonds, une source vitale pour l’économie marocaine.
En réponse à cette menace, le gouvernement marocain, sous la conduite du chef du gouvernement Aziz Akhannouch, a annoncé qu’il recevrait la « task force » pour étudier les stratégies de défense des intérêts des banques marocaines en Europe. Le Maroc compte s’inspirer des expériences d’autres pays ayant traversé des situations similaires. Au-delà de la directive européenne, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoit également de renforcer l’échange d’informations fiscales, ce qui pourrait encore compliquer les transferts d’argent.