Le chef de la junte nigérienne, Salou Djibo, a annoncé dimanche « la mise en œuvre urgente de tous les moyens pour faire face à la famine qui menace l’existence de Nigériens dans pratiquement toutes les régions ». Une déclaration qui contraste avec celle du président déchu Mamadou Tandja qui avait refusé d’évoquer, durant son mandat, les risques de pénurie alimentaire dans son pays. D’après l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la situation est critique. D’ici à trois mois, plus de 7 des 15 millions d’habitants du pays pourraient être touchés par la famine.
Salou Djibo compte mener des actions afin de lutter contre la menace de famine qui pèse sur le Niger. Lors de sa première allocution télévisée, diffusée dimanche, le chef de la junte a fait part de ces craintes concernant l’insécurité alimentaire qui « menaceraient des millions de Nigériens dans pratiquement toutes les régions du pays ». Déjà en janvier, un rapport officiel cité par le Canard Déchainé, un quotidien nigérien, avait pointé du doigt les risques de famine. Ce document avançait que 7,8 des 15 millions d’habitants pouvaient être touchés à court terme par la pénurie alimentaire. Un chiffre amoindri par le gouvernement de l’ancien président déchu Mamadou Tandja, qui avait nié la situation de famine dans son pays. Aujourd’hui, l’heure est donc à l’urgence au Niger. Selon Saley Amadou, le représentant adjoint de l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), d’ici à fin mars, 2,7 millions de Nigériens se retrouveront sans stock de nourriture. « Il faut intervenir rapidement, sinon la situation va se détériorer », explique-t-il. Pour l’heure, une enquête serait en cours à la FAO pour établir un état d’alerte précoce qui prévoit la distribution d’aliments pour le bétail et de semences améliorées pour assurer la période de récolte qui s’étale de juin à octobre. L’année 2009 aura été particulièrement difficile pour les éleveurs et les agriculteurs du Niger, ainsi que pour les pays de la sous-région, en raison des faibles précipitations de pluie. Interviewé par Afrik.com, le représentant de la FAO revient sur les causes de cette pénurie alimentaire et évoque les moyens qui devront être mis en œuvre à court terme pour éviter que la famine ne s’installe au Niger.
Afrik.com : Le chef de la junte nigérienne Salou Djibo a annoncé dimanche « la mise en œuvre urgente de tous les moyens pour faire face à la famine ». Dans cette optique, a-t-il pris contact avec vous ?
Saley Amadou : Pour l’instant, nous n’avons pas été en contact avec la junte. Maintenant, je sais que le nouveau gouvernement a reconnu officiellement la crise alimentaire qui frappe le pays et a lancé un appel à la communauté internationale et nationale pour tenter de faire face aux risques de famine.
Afrik.com : Ce qu’avait ignoré l’ancien président Mamadou Tandja…
Saley Amadou : Pas exactement. Son Premier ministre avait rencontré plusieurs coopératives agricoles, mais les concertations n’avaient pas trop abouties. Par contre, ce qui est vrai, c’est que Mamadou Tandja avait diminué les chiffres. Il avait estimé que seuls deux millions d’habitants allaient être touchés par la famine alors que l’on compte déjà 2,7 millions de personnes vulnérables qui n’auront plus de quoi se nourrir d’ici un mois et, plus de 7 millions qui risquent de se retrouver, dans trois mois, dans une situation de pénurie alimentaire.
Afrik.com : Quelle est l’origine de cette pénurie alimentaire ?
Saley Amidou : Le Niger est déficitaire en eau depuis deux ans, sans doute à cause du réchauffement climatique. On a remarqué que la période sèche était de plus en plus chaude. Au Sahel, ce n’est pas la quantité des précipitations qui comptent mais sa répartition dans l’espace et dans le temps. Par exemple, il est préférable pour les récoltes qu’il y ait 50 mm de précipitations tous les quinze jours que tous les jours.
Afrik.com : Quelles sont les conséquences de ces faibles précipitations ?
Saley Amadou : Les faibles récoltes dues aux faibles précipitations ont participé à la flambée des prix des aliments de première nécessité au Niger mais aussi dans les autres pays de la sous-région. Le transfert d’excédents entre le Nigéria et le Niger ne se fait pas très bien. Le Nigeria, le Burkina Faso, et le Bénin n’approvisionnent pas assez le Niger en mil, sorgho et maïs, comme il le faisait les années précédentes. La population nigérienne ne peut donc pas acheter ces aliments trop coûteux et se retrouvent avec des stocks alimentaires fortement limités pour la période de soudure. Autre conséquence, les éleveurs nomades de la partie septentrionale du Niger vont être confrontés dans les prochains mois à la diminution de leur cheptel. Même si pour l’instant on n’enregistre pas un fort taux de mortalité, les mois à venir risquent d’être critiques car les éleveurs n’auront plus de quoi nourrir leur bétail.
Afrik.com : Quelles actions sont envisageables pour lutter à court terme contre la crise alimentaire ?
Saley Amadou : La FAO est en train d’établir un rapport qui devrait statuer sur la mise en place d’un état d’urgence précoce. A partir de ce moment-là, l’organisation distribuera des semences améliorées et des aliments pour le bétail. Le Programme alimentaire mondial (PAM), avec qui nous travaillons en collaboration, interviendra avec les vivres.
Afrik.com : Et à long terme ?
Saley Amadou : Ces semences améliorées peuvent atténuer les risques d’insécurité alimentaire. Ces semences à cycle court mettent deux mois et demi à arriver à maturité, ce qui permet aux agriculteurs de commencer la récolte plus vite en vue du stockage des denrées alimentaires pour la période de soudure.
Afrik.com : Au vu de la situation, le Niger risque-t-il de connaitre la même famine qu’en 2005 ?
Saley Amadou : Pour l’instant non, mais si on n’agit pas ce mois-ci, les conséquences risquent d’être plus graves.