Affaibli par des franges importantes de la société qui lui contestent jusqu’à ses droits régaliens (révision de la Constitution, découpage territorial, expulsion de Hissène Habré) et les difficultés d’intégration de Karim Wade (énergie, lettre du 3 juillet), le président de la République a choisi une curieuse date pour s’adresser aux Sénégalais. Il le fera le 14 juillet, date officielle de la fête nationale française que le Sénégal honorait naguère, avant l’Indépendance, comme le chantait alors Ousmane Socé Diop dans un texte devenu célèbre : « Le 14 juillet au Sénégal ».
Me Wade parlera. Dans une atmosphère viciée par l’intervention de religieux (23 juin et 10 juillet), de politiques ne sachant pas jusqu’où aller dans leur « bargaining power » avec Me Wade, de civils souvent sans crédit spécialisés dans la pêche en eaux troubles se disant « solutionneurs » de situations désespérées et aussi de populations imposant la terreur morale à un pouvoir et ses dérivés (Conseil constitutionnel) et désirant abréger la durée du séjour du chef de l’Etat à la tête du Sénégal.
En outre, les thèmes d’arrière-garde que développera vraisemblablement le président de la République (le projet de révision constitutionnelle avorté, la durée légale de son mandat jusqu’en février 2012, sa candidature volontariste du seul ressort de la loi, la tentative vouée à l’échec d’expulsion de l’ancien président tchadien réfugié au Sénégal depuis 1991, le vaudeville de projets de loi portant découpage erronés et repris alors que les décisions-illégales ?-sont déjà appliquées,…) ne dégagent aucune réponse face aux doutes existentialistes de Sénégalais en mal de vivre depuis dix ans, avec l’Alternance. Quelles réponses concrètes en effet aux délestages intempestifs, aux inondations avec l’hivernage, aux pénuries d’eau et au renchérissement saisonnier des denrées et légumes avec le Ramadan, etc.. ?
De manière technique, l’environnement communicationnel de la présidence est vicié depuis le 16 juin avec la présentation-surprise du projet de loi constitutionnelle imposant le ticket présidentiel : ceux qui auraient dû parler s’en sont abstenus, pour des raisons qui leur appartiennent. D’autres, assez nombreux, ont envahi la presse après le 23 pour verser dans un théâtralisme des plus douteux ; tous ont vicié l’environnement communicationnel de la présidence de la République et de l’État sénégalais en ne respectant pas et en ne reflétant pas dans leur logos l’idéal et la fidélité envers une vision, une conception, une idée, même erronée mais à défendre, au nom de la toute puissance de l’Etat qui débine dans ses attributions : un chef d’Etat qu’on évacue dans une voiture banalisée, le 22 juin, des manifestations contre lesquelles on ne peut mais et qu’on fait semblant d’autoriser, ajoutant aux risques de tension, etc…
En conséquence, le discours présidentiel à la Nation ce jeudi ne ferait que renforcer les uns et les autres dans leurs certitudes à vouloir se maintenir ou faire débarquer.
Au demeurant, à l’objet abstrait formel que serait le logos présidentiel, s’est subrogée dans les faits une réponse concrète, réelle, vivante de l’État sénégalais dans sa volonté de préservation des biens et des personnes et…de répression : le président de la République s’est emmuré dans un palais bunkérisé avec des chars stationnés à la maison militaire et un peu partout à Dakar, du moins jusqu’à la poste de la Médina, une présence policière outrancière. Comment alors recouvrer une quelconque autorité après avoir montré tant de faiblesses ?