Alors que près de 35 personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’enquête ouverte sur l’assassinat des deux journalistes de RFI, un proche de Ghislaine Dupont, Maitre Mohamed Aref, réclame une enquête internationale. Explications.
« A chaque fois que la France ouvre une enquête hors de son territoire, nous n’avons jamais la vérité ! » Le ton est donné. Maitre Mohamed Aref, joint par Afrik.com, avocat au barreau de Djibouti et ami de longue date de Ghislaine Dupont, souhaite qu’une enquête internationale soit ouverte. Il craint qu’avec l’enquête lancée par le parquet antiterroriste de Paris en partenariat avec les services de renseignement français, la vérité n’aboutisse jamais, « comme ce fut le cas pour la Libye ». Il appelle donc le Conseil de sécurité de l’ONU à agir en ce sens. « Si nous laissons la France enquêter, nous ne saurons jamais ce qui est réellement arrivé à Ghislaine Dupont et à son confrère Claude Verlon », affirme Maitre Mohamed Aref.
Ghislaine Dupont représentait beaucoup pour cet avocat français et Djiboutien. C’est la première journaliste étrangère à avoir bravé les barrières de la prison djiboutienne où était détenu Maitre Mohamed Aref lorsque ce défenseur des droits fondamentaux a été arrêté à Djibouti en 1998, pour des raisons politiques, selon Amnesty international. Ils étaient depuis restés très proches.
Selon lui, « la France est responsable de l’assassinat de Ghislaine et Claude ». Et ce, pour plusieurs raisons : la première est que Ghislaine Dupont et Claude Verlon avaient sollicité l’assistance de la force française au Mali pour se rendre à Kidal. Assistance que celle-ci a refusée ! Ce sont donc des soldats de l’ONU qui ont escorté les deux journalistes jusqu’à Kidal. La journaliste et le technicien de RFI entendaient rendre une visite « impromptue » à Ambéry Ag Rissa, éminent représentant du MNLA à Kidal. Comment les ravisseurs étaient-ils au courant de cette visite, si Ag Rissa lui-même, comme il l’a répété a l’envie, n’en était pas informé ?
« Ghislaine et Claude avaient levé un lièvre très important »
La seconde raison est donc celle-ci : Mohamed Aref se demande pourquoi l’armée française n’a pas détecté une éventuelle conversation téléphonique à ce sujet entre les ravisseurs, alors que cette dernière est parfaitement équipée. Enfin, la France est, toujours selon Mohamed Aref, responsable car si la thèse selon laquelle la France n’aurait pas respecté un pacte dans la libération des otages d’Arlit est avérée, les autorités françaises seraient donc responsables d’un crime crapuleux orchestré en signe de vengeance.
Mais Mohamed Aref en est convaincu, « Ghislaine et Claude avaient levé un gros lièvre ». Les commanditaires de ce meurtre étaient donc déterminés à les éliminer dans le but de les faire taire. L’enquête internationale pourrait donc permettre de déterminer ce « fameux gros lièvre » qu’avaient levé les deux journalistes de RFI. Pourquoi ? Car en dépêchant sur place des enquêteurs français, les Touaregs, susceptibles de détenir des informations, ne leur parleront jamais, « ni même à des juges français et encore moins maliens ». Tandis que dans le cadre d’une enquête internationale, avec des enquêteurs « mauritaniens » par exemple, le dialogue serait possible et la vérité pourrait être établie.
Autre point noir de cette affaire. Aref se demande pourquoi le soldat qui accompagnait les deux journalistes n’a pas immédiatement donné l’alerte à son détachement ? Puisqu’il était à proximité du lieu de l’enlèvement et donc potentiel témoin de la scène. « Il s’agit là d’un tas de questions que même les journalistes de RFI n’osent pas poser publiquement », affirme l’avocat djiboutien.
Maitre Mohamed Aref est formel : « Ghislaine ne prenait jamais de risques inconsidérés », contrairement à ce qu’affirmaient certains avant de revenir sur leurs propos. Enfin, ce qui consterne également cet avocat de 61 ans est « le silence assourdissant de l’Union Africaine ». « Même les Présidents africains pointés du doigt par Ghislaine ont rendu hommage à ces grands journalistes de RFI », conclut-il.