Le président du Collectif burkinabé contre l’impunité se démarque de la journée du pardon décrétée par le pouvoir. L’avocat dénonce une manipulation politique. Interview.
Vendredi 30 mars est décrété » jour du pardon « , par le président burkinabé, Blaise Compaoré. Pas si vite, disent les responsables du Collectif contre l’impunité, qui luttent pour que lumière soit faite sur les crimes de sang impliquant de hauts dignitaires du pouvoir.
Afrik : Me Alidou Ouédraogo, quelle est votre analyse de cette » journée du Pardon » ?
Me Alidou Ouédraogo : Le président Blaise Compaoré ne va pas s’amnistier de cette façon ! La mort de Norbert Zongo a ouvert la boîte de Pandore des centaines de crimes économiques ou crapuleux qui ont été orchestrés par le pouvoir ou ses soubassements. Qui sont les auteurs et les donneurs d’ordres de ces meurtres ? Quel est le système qui les génère ? Pour l’heure, le pardon ne répond pas à ces questions cruciales pour le devenir de la démocratie dans notre pays. Il vient bien trop tôt. Nous ne sommes pas contre le pardon, mais nous estimons qu’il doit emprunter le chemin suivant : d’abord la vérité et la justice. Ensuite l’identification des coupables. C’est seulement à ce stade que le pardon pourra éventuellement être prononcé. Par les victimes. Non pas par un régime, juge et parti qui pardonne des crimes dans lesquels il est impliqué. Cette journée du pardon constitue une grossière manipulation politique qui tend à dire que tous les burkinabés sont coupables des agissements d’un régime. Même l’Eglise
6de notre pays a tenu à s’en démarquer.
Afrik : Comment aller vous concrètement réagir à cette journée qui commence demain ?
A. O. : En instaurant une journée de la » Justice et de la réparation « . Nous allons nous recueillir dans les cimetières Goughan et Dagnoen où reposent Norbert Zongo et l’ancien président Sankara. Le régime a reculé en annulant le décret du 6 décembre interdisant toute manifestation. Nous allons donc poursuivre nos marches jusqu’à obtenir satisfaction. La prochaine est d’ailleurs prévue pour le 7 avril.
Afrik : Depuis deux ans que dure ce bras de fer entre le Collectif et l’Etat, la mobilisation publique n’a pas faibli. Pensez-vous que la présidence joue sa dernière carte ?
A.O. : Oh ! que non. Monsieur Compaoré a encore beaucoup d’atouts en main. Ses relais parmi les chefs coutumiers, certains caciques du système judiciaire, politique et les décideurs économiques sont extrêmement puissants. En outre, il n’hésite pas à employer la force de façon remarquablement efficace. Enfin, il jouit d’un soutien extérieur indéniable. Notamment celui de la France. Comment un chef d’Etat mis en cause par le Conseil de Sécurité pour trafic d’armes et ses implications dans le conflit en Guinée et en Sierra-Leone, peut-il si bien s’en sortir autrement ?