Vainqueur des 1ers jeux africains en 1965, à l’age de 18 ans, et de la CAN avec les Diables Rouges en 1972, Jean-Michel Mbono dit « le sorcier » a marqué l’histoire du football africain. Il relate dans son livre « Dans le 11 historique » (Editions Ccnia communication) les épisodes de cette formidable aventure sportive et humaine.
Attaquant de pointe, chasseur de but, Mbono « le sorcier » était une vraie terreur pour le camp adverse, un cauchemar pour la défense. Certainement le joueur le plus emblématique de l’histoire du football congolais. Né le 27 janvier 1946 à Brazzaville, il tombe très tôt amoureux du ballon rond et joue son premier match en 1ère division à 15 ans avec le Racing A. Viennent ensuite les grand moment de gloire avec les Diables Rouges, sans doute la plus belle époque du football congolais. C’est avec la CAN en 1972 que le Congo créait la sensation. D’abord, l’équipe menée par « le sorcier » réussit l’impossible en sortant le pays organisateur (le Cameroun) en demi-finale 1-0. Puis Mbono auteur de deux buts en finale face au Mali, offrira la victoire aux Diables Rouges par 3 buts à 2. Très vite, sa notoriété dépasse les frontières du Congo pour se répandre en Afrique. Mbono, l’un des plus grands architectes du ballon rond africain dédie ce livre aux anciens « pour qu’il se remémorent » et à la nouvelle génération « pour qu’elle s’en inspire ». Il répond aux questions d’Afrik.com.
Afrik.com : Pourquoi ce livre ? Pourquoi maintenant ?
J.M Mbono : J’ai voulu écrire mes mémoires, laisser un héritage à mes compatriotes. Il y a un temps pour tout. Un temps pour l’action, un temps pour le repos, et surtout un temps pour la réflexion. C’est avec suffisamment de recul que j’ai abordé ce livre dans lequel je parle de mon enfance, de ma première rencontre avec le ballon rond, mais aussi du club mythique de l’étoile du Congo, de ma carrière et de mes nombreuses victoires avec les Diables Rouges.
Afrik.com : Quel est le souvenir le plus marquant de votre carrière de footballeur ?
J.M Mbono : Les souvenirs, car il y en a plusieurs, qui sont les plus forts sont certainement ceux de mes victoires. J’ai été médaillé d’or des premiers jeux africains à l’age de 18 ans et j’ai remporté le championnat d’Afrique des Nations avec les Diables Rouges en 1972. Cette victoire était un rêve, un moment de bonheur collectif. Je me souviens aussi avec émotion des deux matchs contre le Santos du « roi Pelé », c’est moi qui avais ouvert le score. La seule chose que je regrette, c’est de ne pas pouvoir compter parmi mes innombrables souvenirs de joueurs, celui d’avoir participé à une coupe du monde.
Afrik.com : Pourquoi vous a-t-on surnommé « Le sorcier » ?
J.M Mbono : On a beaucoup fantasmé autour des pouvoirs de Mbono. En 1972, en demie finale de la CAN face au Cameroun, et alors que l’on ne voyait pas le Congo à ce niveau de la compétition, je marque un but et offre la victoire aux Diables Rouges. C’est là que le mythe de Mbono le sorcier est né. Je deviens ainsi une légende au Cameroun. Certains Camerounais ont même été jusqu’à appeler leur enfant Mbono. J’ai beaucoup joué avec l’histoire du fétiche, allant jusqu’à toucher les poteaux de l’équipe adverse avant les matchs, marchant volontairement sur le pied du joueur qui le marquait. Il s’agissait de prendre l’ascendant psychologique sur l’adversaire. Aujourd’hui, avec le recul, je me demande vraiment si c’était le fétiche ou moi qui marquait tous ces buts (rire).»
Afrik.com : Vous avez mené de front vos carrières footballistique et professionnelle. Pensez-vous que c’est encore envisageable aujourd’hui?
J.M Mbono : Avant, pour réussir, il fallait avoir envie, se donner les moyens. C’est ce que j’ai fait. Aujourd’hui, il y a le sport- étude, c’est formidable, on donne les moyens aux joueurs de poursuivre leurs études dans les centres de formations, notamment en France. C’est ce qui manque en Afrique. Les infrastructures nous font défaut. J’aimerais un jour apprendre que, de chaque centre de formation africain, est sorti un footballeur diplômé.
Afrik.com : Enfin, quel regard portez- vous sur la nouvelle génération de footballeurs congolais ou plus largement africains ?
J.M Mbono : Le football congolais, tout comme le football africains va mal. Il y a un déficit en terme de formation, d’infrastructure et d’encadrement. Il faut un vrai championnat cadet, un vrai championnat junior. Il y’a un vrai potentiel, l’Africain est né avec un ballon dans les pieds. Il faut absolument penser à l’après Eto’o, à l’après Drogba. Il y a trop de joueurs expatriés, le foot est devenu un business. Et si nous restons dans le foot business, il n’y a pas grand-chose à espérer. Le football doit redevenir un jeu et l’on doit focaliser tous nos efforts sur la formation. Et quand je dis formation, je pense football- études évidemment. Je pense que le remède pour le football africain est dans la collaboration avec les anciens, qui à travers différentes missions que les fédérations voudraient bien leurs confier, pourraient faire dont de leurs expériences. Après mon échec à la présidence de la Fécofoot (fédération congolaise de football, ndlr), j’ai déclaré que j’étais disponible pour participer aux projets de rénovation du football congolais. Je reste et serai toujours un fidèle serviteur du ballon rond.
Jean-Michel Mbono dit « le sorcier », Dans le 11 historique, Editions Ccnia communication, 2007
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Ecouter Mbono le sorcier sur RFI avec Joan Gomez et Gérard Dreyfus