Max Kouguere, un basketteur au parcours hors norme


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En 2001, Max Kouguère fuyait Bangui en proie à de violents conflits pour se réfugier au Congo. Aujourd’hui, il est joueur de basket professionnel au Mans, en France. Récit d’un parcours hors du commun.

C’est une histoire de famille. Une histoire tumultueuse qui commence sur une embarcation de fortune. En août 2001, les quatre frères Kouguère, Anicet, Fiacre, Claude et Max, fuient la Centrafrique, en proie à un violent conflit. Leur faute, appartenir à la mauvaise ethnie, les Yakoma, pourchassée par le pouvoir en place (d’Ange Félix Patassé) qui après voir échappé à un coup d’Etat se livre à une sévère répression. Ils fuient pour se protéger. Après une descente en pirogue de 5 jours, les Kouguère atteignent Bétou, dans la Likouala, au nord du Congo. De là, ils montent sur un bateau de marchandise pour rejoindre Brazzaville, tant bien que mal, le 11 août.

Le basket contre la galère

A Brazza, ils n’ont pas grand-chose à part les coordonnées d’une cousine qui les dépanne et les aide à s’installer. Dans des conditions difficiles et dans un Congo qui a lui aussi du mal à en finir avec une guerre civile, Fiacre, le grand frère joue le rôle du chef de famille.

Malgré la galère, la fratrie continue à vivre une passion, un véritable virus, le basket, hérité de Centrafrique où il est beaucoup pratiqué. Dès qu’ils ont une heure de libre, les Kouguère foncent sur les terrains du square de Gaulle, dans le quartier de Bacongo, pour s’entrainer.

C’est sur ce terrain qu’en 2004, Fiacre, le grand frère, fait une rencontre décisive. Celle de Maik Prime, un fils d’expatrié, qui s’ennuie un peu à un poste dans l’administration congolaise et se distrait en retrouvant son sport de prédilection, le basket. Très vite, Maik et Fiacre deviennent inséparables. Les deux compères partagent leur temps entre le basket et les soirées brazzavilloises. Investi dans le championnat congolais et à la fédération, Maik est souvent sollicité par les jeunes du quartier qui croient qu’il peut les envoyer en France. Lui n’y songe pas.

Le petit frère discret et doué

Un soir, ou plutôt au petit matin, Fiacre et Maik rentrent d’une soirée en boite bien arrosée. Fiacre dans l’euphorie lance à celui qui est devenu son quasi frère : « Et si c’est mon petit frère que t’envoyais jouer au basket en France ? ». Son petit frère, c’est Max, un garçon plutôt discret, du genre à qui on demande des services, et qui les rend sans broncher. Maik l’avait à peine remarqué au sein de la famille et n’était pas au courant de sa réputation de meilleur joueur du championnat congolais. Ni une ni deux, ils foncent sur le terrain et demande à Max une démonstration. Rien à faire, le petit est très doué, il enchaine les shoots pendant une bonne demi-heure avec un minimum d’erreur.

Une histoire incroyable démarre. Maik et Fiacre décident de réaliser des petites vidéos amateurs des performances de Max et d’envoyer les cassettes à des clubs de basket, en France surtout mais aussi plus loin, jusqu’en Caroline du Nord. Malgré quelques échos positifs, il leur faut deux ans pour qu’un club manifeste véritablement son intérêt. En 2007, Gravelines, une équipe de Pro A, la première division française, propose d’intégrer le jeune homme dans son effectif espoir.

S’en suit une longue bataille, avec l’Ambassade de France d’abord pour obtenir le précieux visa, puis avec les officiels congolais, qui soudainement, s’intéressent à Max et ses projets de carrière. Pour éviter les problèmes, Max préfère quitter Brazza dans la plus grande discrétion.

Une carrière prometteuse

Quatre ans plus tard, en 2011, Max Kouguère commence une saison avec l’équipe du Mans, une des équipes les plus ambitieuses de Pro A. Entre temps, il a déjà joué pour Gravelines, Antibes, Genève en Suisse, et remporté dès sa première année en pro le concours de dunk au All-star Game de Paris Bercy, une référence. Il est également international centrafricain. Dans le monde du basket, il a droit à ses petits surnoms : le virus, le sniper. On loue sa grande adresse et ses capacités physiques. A 23 ans, sa carrière est devant lui avec, qui sait, un avenir dans un grand club européen voire aux Etats Unis. Lui présente les choses simplement : « je suis content de retrouver la pro A cette année, dans un club ambitieux. Aujourd’hui, je veux juste progresser de jour en jour, et aller le plus haut possible ».

Toujours encadré par Maik Prime, devenu grâce à cette histoire agent professionnel, Max ne change pas. Il reste ce jeune homme discret et poli, qui adore le basket mais pas nécessairement le milieu, préférant rester avec ses amis à lui. Max s’efforce aussi chaque mois d’envoyer de l’argent à ses frères restés au Congo. Il le reconnaît, être ainsi éloigné des siens n’est pas évident. « En même temps, cela permet de ne pas mélanger les choses et de me concentrer sur le basket » nuance-t-il.

Du côté de Brazza, rien n’a vraiment changé pour les Kouguère même si la vie est plus douce grâce à l’aide de Max. Ah si ! Leur petite sœur, Merveille, les a rejoint depuis et devinez quoi ! L’été dernier, elle n’a pas pris de vacances. Elle a préféré rester à Brazza avec son frère Fiacre pour se mettre … au basket.

Par Adrien de Calan

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