Mauvaise foi : lorsqu’une juive et un musulman décident d’avoir un bébé…


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Elle est juive, il est arabe, ils attendent un enfant. Tout va bien… jusqu’au jour où ils doivent apprendre la nouvelle à leurs parents respectifs. Peut-on accepter l’autre avec ses différences ? Mauvaise foi, le premier film de Roschdy Zem, tente de répondre à cette question. Cette comédie, sensible et drôle, sort mercredi sur les écrans français.

« Il est poli, il est charmant, il est intelligent, mais il est musulman, et ces gens-là n’ont rien à voir avec nous ! » La mère de Clara est catégorique. Ismaël, le petit-ami de sa fille, a de nombreuses qualités, mais sa confession lui interdit de devenir son gendre. Mauvaise foi, le premier film écrit et réalisé par le comédien Roschdi Zem est une œuvre qui traduit bien l’air du temps. La société française se métisse. Au quotidien, Juifs, Musulmans, Chrétiens, Blancs, Noirs, Asiatiques, Africains se côtoient avec une apparente facilité. Mais les a-priori et les non-dits demeurent prégnants. Lorsqu’il s’agit d’aller plus loin et de fonder une famille, la question des origines et de la religion deviennent des obstacles difficilement franchissables.

Clara, interprétée par la ravissante Cécile de France, est juive ashkénaze. Elle est psychosomaticienne. Ismaël, joué par Roschdi Zem, est musulman. Français d’origine maghrébine, il n’est ni ouvrier, ni épicier, ni sportif – comme sa compagne s’amuse à le lui faire remarquer au cours d’un match de football –, mais professeur de musique classique. Les deux amants sont jeunes, beaux et follement épris l’un de l’autre. Ils filent le parfait amour jusqu’au jour où Clara apprend à son compagnon qu’elle est enceinte. Passés les premiers moments de joie, vient l’heure où ils doivent se rendre chez les parents de la jeune femme pour que ces derniers rencontrent leur futur beau-fils et apprennent que leur fille attend un enfant. Ismaël recevra un accueil glacial. Et la grossesse de Clara sera vécue comme la pire des catastrophes.

Un humour décapant au service d’un sujet grave

Après cette rencontre, apparaîtront les premières fissures. Ismaël qui, de son côté, n’avait jamais osé dire à sa mère qu’il entretenait une relation avec une juive, sera envahi par le doute. De même, Clara, qui ne pensait pas que ses parents lui auraient signifié un tel refus. Roschdi Zem a évité la caricature simpliste. Au delà de l’intolérance des familles lorsqu’elles voient débarquer « un étranger » à leur porte, il a aussi souligné les contradiction des deux amants. En effet, ils sont tous deux non-pratiquants et déclarent à qui veut bien l’entendre qu’ils ne font aucun cas de la religion. Pourtant, l’arrivée imminente d’un enfant dans leur vie les renvoie à leurs origines et les submerge de questions. Ce bébé devra-t-il s’appeler Abdelkrim, Salomon, David ? Faudra-t-il le circoncire dès la semaine de sa naissance ou à trois ans ? Sera-t-il juif ou musulman ?

Le film de Roschdi Zem, tourné avec sobriété, aborde des sujets très sensibles. Il s’en dégage donc une certaine âpreté, que vient heureusement adoucir une bonne dose d’humour. Il y a, dans cette comédie, nombre de répliques qui risquent de devenir culte. Ainsi, les parents de Clara, lorsqu’ils veulent convaincre leur fille qu’ils sont des gens tolérants, s’exclament : « on aime bien aussi les Sépharades, ce sont les meilleurs amis des Juifs ! » Le scénario et les dialogues ont été écrits à deux mains, par Roschdi Zem qui est un musulman d’origine marocaine et Pascal Elbé qui est juif. Leurs appartenances et leur connaissance de chacune des deux cultures leur a permis d’oser des plaisanteries que nombre d’auteurs et d’humoristes, dans le contexte actuel, évitent soigneusement. Elles leur ont aussi permis d’évoquer des questions qui, en France, sont presque devenues tabou.

A plusieurs reprises, Roschdi Zem et Pascal Elbé pointent du doigt ce qu’ils considèrent comme l’un des responsables de la tension qui règne, aujourd’hui, entre Juifs et Musulmans en France : le conflit israélo-palestinien, qui se déroule à plusieurs milliers de kilomètres mais dont les médias se font perpétuellement l’écho. Mauvaise foi n’en demeure pas moins un film drôle et optimiste. Il montre combien nous sommes chacun attachés à nos racines et qu’il est vain de vouloir les nier. Mais il nous met aussi en garde contre elles lorsque, trop envahissantes, elles menacent d’étouffer notre bonheur.

 Mauvaise foi, un film de Roschdi Zem. Avec Roschdi Zem, Cécile de France, Pascal Elbé, Jean-Pierre Cassel… Durée : 1h 28.

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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