Le conte du squatter est le premier roman de Ike Oguine, qui vit et travaille à Lagos. Avec une plume pleine d’humour, il raconte les tribulations d’un jeune Nigérian en Amérique, entre espoirs et déceptions, attentes et désillusions. Une comédie enlevée qui promène le lecteur de Lagos à Oakland, Californie.
Obi a 10 ans le jour où son oncle d’Amérique débarque dans la maison familiale de Lagos, au Nigeria. L’oncle Happiness est alors « empaqueté dans un déguisement de cow-boy de couleur brune », les bras remplis de cadeaux et les yeux brillants de toutes les merveilles américaines qu’il détaille à l’envi. Dix-huit ans plus tard, Obi part le rejoindre à Oakland, en Californie, la tête pleine du souvenir du John Wayne nigérian qui lui a rendu visite enfant.
Obi quitte le Nigeria, ruiné après une réussite (trop) rapide dans le secteur bancaire privé nigérian. « Mon ascension jusqu’au statut de manager en costard chez BTF m’a pris environ un an et demi ; ma chute jusqu’à celui de chômeur ruiné, seulement neuf mois. » Il abandonne Lagos « saturés de voleurs armés ». Et laisse derrière lui une « nation à la dérive », rongée par la « corruption vicieuse » et dirigée par une kyrielle de gouvernements militaires « frappés d’analphabétisme économique ». « Quand ce fut mon tour d’essayer de m’en aller, je découvris que l’industrie de l’exode, mentale et physique, était bien plus étendue et inventive que nous ne l’avions imaginé, et que le désespoir semblait alors grandir et s’étendre à toutes les classes de notre société. » Pour preuve : ces longues files de candidats qui dorment devant les ambassades occidentales dans l’espoir d’obtenir un visa.
Immigration, capitalisme, sexe et amour
Mais, à Oakland, chez oncle Happiness, c’est plutôt la tristesse qui règne. Dans son taudis, règne une « odeur violente, mélange oppressant de fumée de cigarette et d’huile de friture, de transpiration et d’humidité, de décrépitude et de désespoir ». Plus grand est l’espoir, plus dure est la chute… Avant de pouvoir s’inscrire en MBA, Obi se retrouve agent de sécurité dans des entrepôts aussi gris que sa vie. Pour autant, les pérégrinations du jeune Nigérian en terre américaine sont décrits avec un bel humour et un sens de l’observation aigu par Ike Oguine, dont c’est le premier roman.
De plus, le personnage d’Obi ne véhicule pas l’image traditionnelle de l’immigrant africain écrasé par sa condition. Même s’il galère et a le mal du pays, il est aussi arrogant, sûr de lui, dragueur impénitent qui trompe sa copine en se justifiant et manipule ses anciens camarades de lycée. Cet état d’esprit lui permet de peindre avec cynisme ses compatriotes exilés, empêtrés dans des « bizness » dangereux, enfermés dans des rêves sans lendemain, capables d’arnaquer leur propre famille et qui détestent tout autant les Afro-Américains que les Blancs. Le livre se dévore comme une comédie parfois grinçante qui mélange immigration, capitalisme, sexe et amour.
Le conte du squatter de Ike Oguine, éditions Actes Sud.
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