Le secteur de la pêche en Mauritanie est en chute libre. La baisse des ressources halieutiques, due à une surexploitation du milieu marin, est la principale cause de ce déclin, mais pas la seule. Pillages des eaux et accords de pêche non respectés interpellent également le ministère des pêches et de l’économie maritime. Il a mis en place une mesure drastique mais nécessaire : un repos biologique de deux mois, débuté le 1er mai 2010, interdisant la pêche à près de 300 bateaux. Suivi d’un autre, ce mois de septembre.
Pêcheurs et poissons, même combat… survivre ! « Il y a une surexploitation de certaines ressources de fond, comme le poulpe. D’autres ressources sont totalement exploitées et tendent à disparaître », explique Azza Jiddou, directrice de l’Aménagement des Ressources et de l’Océanographie (DARO) au ministère des Pêches et de l’Economie Maritime mauritanien.
Pêche abusive, pillages, non-respect des accords de pêche signés avec d’autres pays. Autant de difficultés auxquelles les autorités mauritaniennes se doivent d’apporter des solutions. La dernière en date, prescrite par le ministère des pêches et de l’économie maritime : le repos biologique. Destiné à régénérer les fonds marins, il préconise un arrêt total des pêches industrielles pour une durée de deux mois. Elle a pris effet ce 1er mai. Conséquence : 300 bateaux bloqués dont plus de 150 européens. Les pêcheurs artisanaux ont dû, eux, suspendre leur activité pour une durée d’un mois. « L’arrêt de la pêche fait partie de la gamme classique des mesures techniques de gestion des ressources halieutiques, en vigueur en Mauritanie », indique le site du ministère des pêches. Une seconde phase de repos devait débuter ce mois de septembre. « Des plans poulpes et des plans crevettes ont également été mis en place en 2006 et 2009 pour permettre à ces espèces de se reproduire », indique Azza Jiddou.
Autre problème, autre mesure. Les autorités mauritaniennes doivent également faire face au non-respect de ces consignes et aux pillages récurrents. Venus du pays voisin, les pêcheurs sénégalais profitent parfois de ces interdictions de pêche et de l’absence de leurs confrères autochtones pour venir tout bonnement se servir dans les zones de pêche mauritaniennes. Une pratique qui s’inverse lorsque le Sénégal entre à son tour en période de repos biologique. Le gouvernement mauritanien tente de mettre fin à ce cercle infernal. Pour cela, il souhaite diminuer le nombre de licences attribuées aux pêcheurs sénégalais. Suite à un protocole de pêche cosigné par les deux pays en 2001, la Mauritanie accordait jusqu’à aujourd’hui 300 licences de pêche pélagique aux pêcheurs sénégalais à la seule condition qu’ils débarquent 15% de leur cargaison dans les ports mauritaniens.
Pillage des eaux, les Européens aussi !
Mais les pêcheurs sénégalais ne sont pas les seuls à blâmer. Le 10 mai dernier, seize marins pêcheurs espagnols ont été secourus par un autre bateau ibérique en activité de pêche au large de Nouadhibou après un naufrage. Un incident qui soulève une question de taille : que faisaient-ils dans les eaux territoriales mauritaniennes en pleine période de repos biologique ? « Il devient nécessaire de réduire les accords de pêche avec l’Europe afin de laisser des ressources aux pays africains. Un renforcement des contrôles en mer est pour cela primordial », explique Charles Braine, chargé du programme pêche durable du WWF-France.
Parce qu’elle a des eaux parmi les plus poissonneuses d’Afrique, la Mauritanie attire la flotte du monde entier. Mais dans un pays où la pêche assure plus de la moitié des recettes d’exportation, et où la production annuelle avoisine les 300 000 tonnes par an, la gestion durable des ressources halieutiques est primordiale. D’autant plus que le volume annuel de capture ne cesse d’augmenter. En effet, selon la FAO, la Mauritanie ne pêchait que 20 000 tonnes de poissons en 1980, soit 15 fois moins qu’aujourd’hui.
Pêche illicite et surexploitation entraînent chaque année d’énormes pertes économiques qui ont de graves répercussions sociales sur le pays. « Le but des actions de WWF consiste, entre autre, à faire du lobbying pour que les accords de pêche soient gérés de manière plus sociale. Nous voulons faire en sorte que l’argent donné par les pays européens en échange de droits de pêche soit utilisé dans l’intérêt des populations du littoral et pas seulement dans celui de quelques personnes », explique Charles Braine. Une tâche laborieuse.