Pour Paris, l’élection qui donne désormais une légitimité démocratique au pouvoir de Mohammed Ould Abdel Aziz s’est déroulée dans les conditions exigées par la communauté internationale. D’où le soutien de la France au général putschiste. Washington veut également travailler avec le président désormais élu. Mais pour certains observateurs, cette normalisation traduit d’avantage les préoccupations sécuritaires des deux capitales.
C’est un revirement spectaculaire : la France et les Etats-Unis saluent l’élection du général Mohammed Ould Abdel Aziz qui a prêté serment mercredi, comme deuxième président élu au suffrage universel en Mauritanie. Il y a pourtant un an, Washington et Paris étaient montées en première ligne pour réclamer le rétablissement de l’ordre démocratique lorsque Mohammed Ould Abdel Aziz avait déposé Sidi Oud Cheikh Abdallahi le premier président démocratiquement de l’ancienne colonie française.
A-t-il donc suffit au général putschiste d’accepter l’épreuve des urnes pour redevenir fréquentable ? C’est en tout cas ce qu’on prétend à Washington et à Paris. « Nous avons hâte de travailler avec le président élu Aziz et avec son gouvernement sur les multiples défis auxquels fait face le pays », a laissé entendre l’ambassade américaine à Nouakchott. La France ne s’est pas contentée d’une simple déclaration. Paris a dépêché en Mauritanie son Secrétaire d’Etat à la coopération, Alain Joyandet, qui l’a officiellement représenté à la cérémonie d’investiture de Mohammed Ould Abdel Aziz. « Le général Mohammed Ould Abdel Aziz a démissionné de l’armée, il est redevenu un candidat comme les autres. Tous ceux qui voulaient se présenter aux élections ont pu le faire. (…) Dans ces conditions, il n’y a pas de raison pour que la France ne signifie pas son adhésion à ce processus et ne poursuive son partenariat avec la Mauritanie », a déclaré Alain Joyandet.
Le poids de la menace terroriste sur l’élection
Mais pour de nombreux observateurs, s’il est vrai que le général Mohammed Ould Abdel Aziz a fait plusieurs concessions à la communauté internationale, Paris et Washington semblent bien avoir d’autres raisons de le soutenir. Pour ces observateurs en effet, c’est la question sécuritaire qui l’a finalement emporté sur l’idéal démocratique. Les deux capitales s’inquièteraient vivement de la pénétration des réseaux islamistes en Afrique de l’Ouest. En décembre 2007, quatre français avaient été assassinés en Mauritanie, par un groupe se disant proche d’Al-Qaeda. En juin dernier, la branche maghrébine du réseau terroriste a également revendiqué l’assassinat d’un américain en plein jour à Nouakchott.
Le problème du terrorisme semble d’autant plus préoccuper Paris, qu’Alain Joyandet avant de se rendre en Mauritanie, a fait une halte mardi à Bamako au Mali, ou il s’est entretenu avec le président Amadou Toumani Touré sur la question. Le Mali, où les terroristes sévissent principalement dans le nord, bénéficie déjà d’un appui militaire français et américain pour faire face au problème. Ce pays devrait par ailleurs organiser après le ramadan, une conférence régionale sur la sécurité, à laquelle seront conviés la plupart des pays du Maghreb et d’Afrique de l’ouest.
L’association Survie a fait observer à Paris que « la doctrine internationale qui prévalait ces derniers temps en matière de coup d’Etat était que les putschistes ne devaient pas se présenter à une quelconque élection ». Les deux principaux candidats de l’opposition mauritanienne Messaoud Ould Boulkeir et Ahmed Ould Daddah, ont dénoncé « fraudes massives ». L’Union européenne a exigé une enquête indépendante sur ces allégations de fraude et de manipulation. Mais face aux menaces terroristes, tout cela a finalement pesé bien peu sur la validation de l’élection du général Mohammed Ould Abdel Aziz.