Mauritanie: Optimisme prudent des réfugiés à l’heure du rapatriement


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Des dizaines de milliers de Noirs mauritaniens qui vivent en exil depuis 18 ans ont officiellement commencé à quitter les camps du Sénégal et du Mali pour rentrer chez eux, mais bon nombre d’entre eux se sont dits inquiets à l’idée qu’ils pourraient continuer à faire l’objet de discrimination de la part des Maures de Mauritanie.

« Nous sommes conscients qu’il nous sera difficile de rentrer dans notre pays », a déclaré Amadou Wane, porte-parole des réfugiés, alors qu’il se trouvait dans un camp de Ndioum, l’un des 284 sites sénégalais aux allures de villages situés le long du fleuve Sénégal qui marque la frontière avec la Mauritanie.

« Nous n’avons pas fui pour échapper à une guerre ou à la famine, nous avons été forcés de partir à cause de notre couleur de peau », a-t-il rappelé.

Depuis plusieurs années, la Mauritanie affirmait que les réfugiés étaient libres de rentrer chez eux ; toutefois, le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré à la fin du mois de juin que le pays venait de solliciter officiellement l’agence pour la première fois afin d’obtenir de l’aide en vue du rapatriement des réfugiés.

Les représentants du HCR ont rencontré les représentants des réfugiés dans un camp de Ndioum, le 5 juillet.

« A présent, avec cette annonce officielle, nous pouvons formellement engager le processus », a expliqué à IRIN Mahoua Bamba-Parums, principal conseiller juridique régional du HCR, alors qu’il se trouvait au camp de Ndioum. « Nous sommes venus dans les camps aujourd’hui pour écouter les réfugiés et déterminer la meilleure façon de les aider ».

Les réfugiés disent avoir bon espoir que le nouveau gouvernement envisage sérieusement de les aider à rentrer chez eux.

« Après tant d’années passées à vivre dans le doute et l’incertitude, on nous a enfin accordé une victoire, à nous, les fils et citoyens déplacés de la Mauritanie […] Nous sommes prêts à rentrer chez nous et vite », a déclaré M. Wane.

Selon les représentants des réfugiés, presque tous les réfugiés souhaitent à présent rentrer dans leur pays, bien qu’un grand nombre d’entre eux s’inquiètent de savoir ce qui leur adviendra une fois qu’ils seront repartis.

« La situation s’est améliorée grâce au nouveau gouvernement et nous applaudissons le président [mauritanien, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi] pour nous avoir demandé de revenir », a déclaré Mariame Sy, une réfugiée, mère de deux enfants, tous deux nés au Sénégal.

« Mais comment être sûr que les violences ne se répèteront pas ? Le racisme est encore présent. Je veux que le gouvernement mauritanien me donne l’assurance que mes enfants seront en sécurité si nous acceptons de rentrer », a-t-elle dit.

Des conditions à réunir

Les représentants des réfugiés ont expliqué aux représentants du HCR que certaines conditions devaient être réunies afin que les réfugiés puissent se sentir en mesure de rentrer chez eux en toute sécurité.

Les autorités mauritaniennes doivent en premier lieu les reconnaître en tant que citoyens mauritaniens, et leur rapatriement devra être assisté et supervisé par le HCR, a précisé M. Wane.

M. Wane a également expliqué que les réfugiés devraient obtenir réparation de la perte de leurs biens et de leurs emplois, et a exigé qu’une commission vérité et réconciliation soit créée.

« Nous méritons que justice soit rendue […] le rapatriement n’est qu’un premier pas », a-t-il souligné.

Une autre réfugiée a confié à IRIN qu’elle s’inquiétait pour ses enfants, qui ayant vécu toute leur vie au Sénégal, ne parlaient pas l’arabe, la langue nationale.

« S’ils retournent en Mauritanie sans parler cette langue, ils seront sans aucun doute exclus », a-t-elle dit.

En avril dernier, lors de son discours d’investiture, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, nouvellement élu à la tête de l’Etat mauritanien, a promis de faire du rapatriement des réfugiés une priorité ; un engagement réitéré dans une allocution prononcée en juin.

« J’exhorte tous les Mauritaniens à se mobiliser en vue d’accueillir solidairement, aussi chaleureusement que possible et de la manière la plus fraternelle, nos concitoyens et nos concitoyennes », avait-il déclaré.

Le HCR avait cessé d’apporter de l’aide aux réfugiés en 1998. « Avec une crise longue comme celle-ci, il est difficile de maintenir l’attention des bailleurs », a expliqué M. Bamba-Parums.

En 1989, lorsque des violences ethniques ont éclaté, à la suite d’une querelle frontalière, plus de 60 000 Noirs mauritaniens, expulsés de force de leur pays, ont dû se réfugier au Sénégal et au Mali voisins.

De nombreux réfugiés mauritaniens sont rentrés chez eux mais 20 000 sont restés au Sénégal et 6 000 au Mali, selon les estimations du HCR.

Par Irinnews

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