La junte au pouvoir à Nouakchott a envoyé, lundi à Paris, une délégation rencontrer l’Union européenne et veut mettre sur pied un cadre de concertation pour la démocratie en Mauritanie. Elle a aussi autorisé le président déchu et maintenu en détention à recevoir de la visite. Mais toutes ses manœuvres pour légitimer son pouvoir connaissent un cinglant échec.
La junte au pouvoir en Mauritanie veut sortir de son isolement. Mis au ban de la communauté internationale depuis le coup d’Etat du 6 août dernier, le général Ould Abdel Aziz, le meneur du putsch et ses hommes multiplient les efforts pour décrisper la situation, mais partout, rencontrent des échecs.
Des représentants du pouvoir mauritanien ont ainsi rencontré des délégués européens ce lundi à Paris, dans les locaux de la Banque mondiale. Pour les membres de la junte conduits par Moulaye Ould Mohamed Laghdaf leur Premier ministre, il s’agit avant tout d’obtenir un assouplissement de la position de la communauté internationale, qui avait unanimement condamné le coup d’Etat. Mais ils veulent aussi convaincre leurs partenaires, de leur volonté d’ouvrir des négociations avec l’opposition pour ramener le calme en Mauritanie.
Aussi se disent-ils ouverts à toutes discussions, à condition que les européens acceptent de considérer Sidi Ould Cheikh Abdallali renversé le 6 août dernier, comme un ancien président. Des propos qui n’ont pas convaincu la partie européenne. A l’issue de la consultation de Paris, l’Union européenne s’est dite déçue par les propositions de la junte. « L’Union européenne n’a pas pu noter de propositions satisfaisantes de la partie mauritanienne (…) », lit-on dans un communiqué de l’organisation européenne à la fin de la réunion. Pour l’UE, les propositions de la junte « n’incluent pas une libération immédiate et sans conditions du président légitime. Elles restent dans un cadre fondamentalement non-constitutionnel et illégitime sans perspectives de retour à l’ordre constitutionnel dans le court terme ». D’où la menace de déclencher des sanctions. « En l’absence de nouveaux éléments dans un espace d’un mois, les consultations seront fermées et des mesures appropriées seront proposées aux instances décisionnelles de l’Union européenne ».
Le président déchu Sidi Ould Cheikh Abdallali autorisé à recevoir de la visite
A Nouakchott, la junte marquait pourtant des signes d’apaisement. En prélude à la rencontre de Paris avec l’Union européenne, elle avait ainsi autorisé dimanche, quatre représentants d’Ong de défense des droits de l’homme à rencontrer pendant deux heures, le président Sidi Ould Cheikh Abdallali, tenu au secret depuis son éviction le 6 août dernier. Une visite au sortir de laquelle les responsables d’Ong avaient laissé entendre que l’ancien président avait le moral et était autorisé à suivre l’actualité à la radio et à la télévision. Samedi, la junte avait également mis sur pied un comité chargé d’organiser des journées nationales de concertation sur la démocratie.
Le général Ould Abdel Aziz et ses hommes avaient même cru pouvoir compter sur le soutien de la France. La semaine dernière, Alain Joyandet le ministre français de la coopération avait laissé entendre sur RFI que plus personne en Mauritanie ne souhaitait le retour du président Abdallali jusqu’à la fin de son mandat. Une déclaration que la junte avait vue comme une évolution de la position française en sa faveur.
L’opposition exige le rétablissement de l’ancien président dans ses fonctions
En Mauritanie, partis politiques et organisations de la société civile restent fermes sur leurs exigences. Pour les responsables d’Ong qui ont rencontré le président déchu, pas question de négocier quoi que ce soit sans son retour au pouvoir. Pour eux, outre ce rétablissement de l’ordre constitutionnel, le retour à la sérénité passera par l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle après une période de transition, élection à laquelle les responsables de la transition ne seront pas autorisés à participer.
Même son de cloche à l’Union des forces de progrès (Ufp), une coalition de quatorze partis politiques et de syndicats, créée au lendemain du coup d’Etat. « M. Joyandet a sans doute été mal informé ; tous les grands partis, la grande majorité des mauritaniens réclament le rétablissement du président Abdallali », a déclaré Oumar Ould Yali ancien ministre des nouvelles technologies et dirigeant de l’Ufp, joint au téléphone par Afrik.com. «C’est la démocratie qui a été défendue à Paris. C’est le choix des mauritaniens qui doit triompher. En faisant échec à ce coup d’Etat, la communauté internationale découragera d’autres initiatives allant dans le même sens », a-t-il ajouté. L’opposition mauritanienne se dit ainsi déterminée à continuer à manifester, jusqu’au départ de la junte. De son côté, Alain Joyandet à fait savoir qu’il pourrait se rendre bientôt en Mauritanie, à condition qu’il puisse rencontrer le président déchu.
Lire aussi :
Mauritanie : les libertés publiques en danger
L’avenir incertain du nouveau gouvernement de Mauritanie