Alors que le président de la Fédération sénégalaise de football, Me Augustin Senghor Senghor, avait calmé le jeu après la sortie de Sadio Mané dénonçant l’Etat de la pelouse et la panne d’électricité à la suite du match Sénégal / Zambie, au stade Lat Dior de Thiès, le ministre des Sports de ce pays d’Afrique de l’Ouest vient, comme qui dirait, tourner le couteau dans la plaie, ravivant la polémique sur ce sujet qui était quasiment clos.
A la suite du match gagné contre la Zambie (3-1), l’attaquant des Lions du Sénégal, Sadio Mané, outre le fait d’avoir déploré la panne électrique qui a retardé le coup d’envoi de la seconde période du match amical, avait qualifié de « catastrophique » l’état de la pelouse du Stade Lat Dior de Thiès (70 km de Dakar). Une colère du joueur alors partagée par nombre de Sénégalais. D’ailleurs, même si, apportant la réplique au joueur, le président la Fédération sénégalaise de football, Me Augustin Senghor, avait mis des gants, il avait subi la foudre des Sénégalais qui pointaient certains manquements.
Au moment où cette page semblait être tournée, voilà que le ministre sénégalais des Sports, Matar Bâ, en remet, « une couche, ce week-end, de manière plus sèche », comme l’indique AFRIK.FOOT. « Ces difficultés peuvent être liées à des gazons, à l’environnement ou même aux conditions de voyage. On ne peut pas avoir les mêmes conditions qu’à Liverpool ou Manchester. Le président Augustin a bien répondu », a indiqué le ministre au journal Les Echos, déplorant que « ces propos proviennent en plus d’un joueur qui a grandi et a été formé au pays et pas en Europe et qui se trouve donc bien au fait des réalités locales ».
« Dans cette même équipe, il y a des jeunes qui sont nés en Europe et qui ont toujours vécu dans d’excellentes conditions, mais qui n’ont pas abordé le sujet ou n’en ont pas parlé de la même manière… Ces jeunes ont tous visité le Stade du Sénégal, ils ont vu l’investissement énorme que le président de la République est en train de faire pour eux. Donc revenir jouer, gagner et ne pas penser à cette belle victoire et parler de la défection de la pelouse peut être un paradoxe. Mais on respecte leur avis parce que ça nous donne l’énergie pour répondre positivement à ces préoccupations ».
Cette sortie de Matar Bâ n’a pas été du goût des Sénégalais qui ont tenté de le recadrer. « S’il s’agit de se payer certains luxes, nos dirigeants dépassent les Européens. Ils ont de plus belles voitures que leurs homologues européens, ont plus de moyens à leur propre disposition que leurs homologues européens, mais quand il s’agit d’infrastructures pour le peuple, pour la nation, non, le Sénégal doit être derrière. Ils roulent quasiment tous dans la dernière version de Land Cruiser (Toyota 4X4, ndlr), ont construit quelque part des résidences dignes de châteaux, possèdent des champs de plusieurs hectares et vivent avec l’argent du contribuable », dénonce Adama Diouf, professeur.
« Au lieu de reconnaître leur faute, ils ont le culot de tenter de recadrer Sadio Mané qui, en plus d’avoir dit une vérité que tout le monde sait, les dépasse de loin. Sadio Mané, en toute honnêteté, n’est en rien l’égal de Matar Bâ. Mané, a construit beaucoup d’édifices avec ses propres revenus. Quid de Matar Bâ ? Même avec l’argent du contribuable, il n’en est pas capable. Matar Bâ n’a pas de leçon à donner à Sadio Mané. Aucun des ministres n’a de leçon à donner à ce joueur exemplaire. Un modèle pour le Sénégalais », ajoute l’enseignant, visiblement peiné et dégoûté par cette sortie du patron du Sport sénégalais.
Adama Diouf poursuit : « vous savez, les gens parlent de Youssou Ndour et autres. Ils ne sont pas plus valeureux que ce gosse. Youssou Ndour a monté un business : une radio, une télé, un journal… pour se renforcer politiquement, jouer sur l’opinion, grâce à ses supports médiatiques, mais aussi et surtout, il a créé une entreprise pour se faire de l’argent. Alors que ce gosse gagne ailleurs de l’argent et en injecte dans son pays où il a investi dans des hôpitaux, des mosquées et chez les jeunes. Si chaque Sénégalais, qui a les mêmes moyens que Sadio Mané, faisait au moins autant que lui, le pays se porterait comme un charme. Au contraire, chacun pense à amasser de l’argent, du contribuable en plus, et servir ses proches. Et ils ont un mot à dire sur la sortie de Mané. C’est vraiment triste ».
« Le problème est qu’au Sénégal, le ridicule ne tue plus », s’exclame d’emblée Astou Pouye, étudiante. Pour elle, « le ministre des Sports soulève un peu la question de l’enfance de Sadio Mané, ses origines. Et si on se hasardait à faire pareil avec lui ? Aujourd’hui, il mange avec une cuiller en or, mais est-il né avec une cuiller d’argent dans la bouche ? Ce sont tous des fils de paysans autant que Sadio Mané, pourtant ils vivent aujourd’hui dans l’opulence la plus insolente. Ils ont tous oublié leurs origines. Sadio lui, n’a pas une responsabilité envers le peuple. C’est un citoyen et il est en mesure d’exiger le minimum : des stades en bon état », poursuit-elle visiblement dépitée.
« Ils veulent que les gens la ferment ? Alors, ils n’ont qu’à honorer leurs engagements de travailler pour le développement du Sénégal. Il leur suffit de faire un petit plus par rapport à leur prédécesseur pour s’en glorifier. Non, ce n’est pas ce que le peuple attend d‘eux. Ils sont médiocres et ils ne veulent pas les gens en parlent. Que veulent-ils ? Qu’on les applaudisse d’avoir un stade Lat Dior dans cet état ? Ma foi ! C’est le monde à l’envers. Comparer les moyens logistiques mis à la disposition du ministre des Sports ou du Président sénégalais à ceux de la Grande Bretagne pour comprendre que ces gens ne nous respectent pas. Sauf qu’ils n’ont rien compris », conclut l’étudiante.