Le massacre des sept moines de Tibéhirine en Algérie en 1996 de nouveau à la une des journaux. Trois quotidiens français ont révélé, dimanche, le témoignage du général François Buchwalter qui accuse l’armée algérienne de « bavure ». Une version des faits qui contredit la thèse officielle selon laquelle le Groupe islamiste armé (GIA) les aurait décapités.
Nouveau rebondissement dans le massacre des moines de Tibéhirine en Algérie. Le témoignage d’un général français entendu par la justice relance l’enquête sur la mort de sept religieux assassinés en 1996, dans des circonstances incertaines. Dans sa déposition révélée dimanche par trois quotidiens français, le Figaro, Médiapart et l’Express, l’ancien militaire à la retraite a avancé l’hypothèse d’une « bavure » de l’armée algérienne.
Le témoignage du général français
Selon François Buchwalter, deux hélicoptères de l’armée algérienne, en mission du côté de Médéa près d’Alger, auraient tiré sur un bivouac pensant qu’il s’agissait d’un groupe armé qui avait enlevé les religieux. « Ils se sont ensuite posés. (…) Ils ont pris des risques. Une fois posés, ils ont découvert qu’ils avaient tiré notamment sur les moines dont les corps étaient criblés de balles », a expliqué, le 25 juin, le général Buchwalter au juge Marc Trévidic chargé de l’enquête, dans une déposition à laquelle Le Monde a eu accès. Attaché militaire de l’ambassade de France à Alger à l’époque de la « sale guerre » qui opposait les islamistes armés et les services de sécurité, il affirme avoir recueilli des confidences d’un ancien militaire algérien, dont le frère avait participé à l’opération. Pour l’ancien supérieur des moines, le père Armand Veilleux, ce témoignage est « beaucoup plus crédible » que la thèse officielle selon laquelle le Groupe armé islamique (GIA) aurait décapité les moines français. « Dès les semaines ou les mois qui ont suivi les événements, cette nouvelle a commencé à circuler à Alger, je l’ai entendue », a-t-il déclaré à l’AFP.
L’armée algérienne dans la ligne de mire
Ce n’est pas la première fois que l’armée algérienne est mise en cause dans cette affaire. Le 6 juillet 2008 déjà, le journaliste Valerio Pizarelli quotidien italien La Stempa avait défrayé la chronique en révélant cette bavure. Citant son informateur « un haut fonctionnaire d’un gouvernement occidental », une description qui semble correspondre au général Buchwalter, Valerio Pizarelli avait attribué aux autorités algériennes la décapitation des moines, seul moyen pour eux de se débarrasser des corps criblés d’impacts de projectiles. Des militaires algériens « déviés » auraient commandité l’enlèvement des religieux afin d’alerter la communauté internationale sur la menace islamiste en Algérie.
Suite à une plainte déposée contre X avec constitution de partie civile, le 9 décembre 2003, par les membres d’une famille de l’un des moines français de Tibéhirine, Christophe Lebreton, et par Armand Veilleux, ancien Procureur général de l’Ordre cistercien, une enquête a été ouverte. Elle faisait suite à la déclaration Abdelkader Tigha, un ancien membre des services secrets de l’armée algérienne qui dénonçait l’implication directe des chefs du département du renseignement et de la sécurité (DRS) dans l’enlèvement et la mort des sept moines français du monastère.
Cette nouvelle déclaration relance l’affaire du massacre de Tibéhirine. Patrick Baudouin, l’avocat de la partie civile, a indiqué à l’AFP qu’il s’apprêtait à demander la levée du secret-défense « pour obtenir les rapports envoyés (par le général Buchwalter, ndlr) au chef d’état-major des armées et à l’ambassadeur » qui sont restés à l’époque lettres mortes. Affaire à suivre.