Human Rights Watch accuse l’armée burkinabé d’avoir exposé des civils à un massacre à Barsalogho, où 133 personnes ont été tuées lors d’une attaque djihadiste.
Le 24 août 2024, Barsalogho, ville du nord du Burkina Faso, est devenu le théâtre d’un massacre sanglant. Un rapport récent de l’ONG Human Rights Watch (HRW) met en lumière des faits accablants : des centaines de civils, pour la plupart des contraintes par les militaires de creuser une tranchée défensive autour de la ville, ont été la cible d’une attaque meurtrière perpétrée par des djihadistes affiliés à Al-Qaïda. Ce massacre suscite l’indignation et les interrogations sur la gestion de la sécurité des populations civiles par les autorités burkinabées.
Une population piégée entre terrorisme et devoir militaire
Barsalogho, situé à 150 kilomètres au nord de Ouagadougou, est pris en étau entre les forces militaires et les groupes djihadistes. Selon le rapport de HRW, au moins 133 personnes, en majorité des civils, ont été tuées dans cette attaque. Les témoignages rapportent que les forces de sécurité burkinabées ont contraint les résidents masculins à participer à la construction d’une tranchée, visant à défendre la ville contre les incursions terroristes. Cependant, ces travaux forcés se sont révélés être un piège mortel pour les habitants.
L’attaque a été revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, qui a qualifié Barsalogho de « grande caserne militaire » et a accusé ses habitants de complicité avec les militaires. Ce groupe extrémiste a justifié l’attaque en comparant les habitants comme des cibles légitimes, les assimilant aux supplétifs de l’armée. Cette rhétorique a intensifié le sentiment de vulnérabilité des civils, qui se retrouvent assimilés à des cibles militaires malgré leur position de victimes.
Témoignages bouleversants de rescapés
Le rapport de HRW contient de nombreux témoignages poignants de survivants. « Ils sont venus nous exterminer. Ils n’ont épargné personne », confie un témoin. Selon les récits, les assaillants sont arrivés sur des motos et ont ouvert le feu sans relâche, fauchant de nombreuses vies. Plusieurs habitants ont commenté qu’ils ont été forcés de travailler sous la menace des militaires, recevant même des coups pour les contraindre à rejoindre la tranchée en dépit du danger imminent. « Ils nous ont livrés aux terroristes », se lamente un agriculteur, résumant le sentiment de trahison ressenti par les villageois.
À ce jour, les autorités burkinabées n’ont pas communiqué de bilan officiel des victimes de cette attaque. Le ministère de la Justice a réagi aux accusations en niant toute contrainte exercée par les forces de sécurité sur les civils pour creuser la tranchée. Une enquête a été ouverte par le tribunal de grande instance de Kaya, mais les résultats se font attendre. Ce silence et cette lenteur de réaction ont suscité des critiques de la part des familles de victimes et des ONG qui dénoncent une gestion opaque des attaques terroristes depuis le coup d’État de septembre 2022.
Un bilan humanitaire alarmant
Selon les données de HRW, cette attaque est l’une des plus meurtrières jamais enregistrées au Burkina Faso. Le Collectif Justice pour Barsalogho (CJB), qui regroupe les proches des victimes, avance même un bilan bien plus lourd, évoquant plus de 400 morts. Les violences djihadistes au Burkina Faso ont fait plus de 26 000 morts depuis 2015, avec une recrudescence inquiétante des attaques depuis le coup d’État de 2022, rendant l’avenir des civils de plus en plus incertain.