Martiniquais, quel est ton nom ?


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Deux jeunes chercheurs de l’Université des Antilles, un sociologue et un historien, ont répertorié les noms de famille africains en Martinique. Ils viennent de publier les premiers résultats de leurs travaux dans un livre où passé et présent se télescopent.

Au moment où la traite des esclaves entre l’Afrique et les Caraïbes était la plus importante, les Africains ont représenté, en nombre, la plus forte population de la Martinique, cette  » perle des Antilles  » pour les colons blancs. Si l’on suit l’équilibre démographique d’alors, logiquement, les trois-quarts des Martiniquais devraient posséder un nom africain. Or, seulement 30 % des noms de famille africains répertoriés dans les registres de l’époque perdurent aujourd’hui. Que s’est-il passé ?

 » Politiquement correct « 

Les auteurs de ce livre sont adeptes du  » politiquement correct  » en titrant leur ouvrage :  » Les noms de famille d’origine africaine de la population martiniquaise d’ascendance servile « . Ils auraient pu dire plus simplement :  » Les noms de famille africains des descendants d’esclaves en Martinique « . Ces descendants d’esclaves ont créé, avec les petits-fils des colons et les travailleurs libres arrivés plus tard dans l’île, une société originale, un monde créole, qui se nourrit de multiples influences, parmi lesquelles l’Afrique joue un rôle privilégié, sans être la source unique de leur identité. Pour retrouver les traces de l’Afrique en Martinique, l’étude des noms de famille reste une piste jusqu’alors inexplorée.

Effacer les traces d’une infamie

Commence alors un voyage dans le temps et l’espace, d’un navire, d’un continent, et d’un registre d’état civil à l’autre. Quels sont les noms qui rappellent en Martinique, le Congo, le Gabon ou le Mali ? Quels sont les noms de naissance des premiers esclaves ? Si aucune chaîne ne peut empêcher un homme asservi de penser, enfin libéré, cet homme ne voudrait-il pas effacer les traces de son infamie, en effaçant jusqu’à ce nom ? Ne souhaite-t-il pas en assumer un autre, symbole d’une renaissance à une autre vie, dans un autre monde ? Effaçant ainsi son passé douloureux, loin d’une Afrique qui l’a oublié ? Lors de leur enregistrement à l’état civil, les autres aussi n’ont-ils pas aussi décidé pour lui, comme certains officiers assermentés de l’Etat civil, pressés d’en finir avec leur immense ouvrage de nommer un ancien esclave, l’affublant malgré lui d’une identité fantaisiste ?

L’Afrique pourtant reste présente dans les patronymes. Nous n’abordons dans cette histoire que celle des hommes, dans une complexité distante sans être froide, nourrie d’émotions. Qu’on l’appelle Césaire ou Bambouc, ce livre jette un pont, entre Caraïbes et Afrique.

Guillaume DURAND – Kinvi LOGOSSAH, Les noms de famille d’origine africaine de la population martiniquaise d’ascendance servile, Paris, l’Harmattan, 2002, 354 pages.

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