Le conseil municipal de la ville a autorisé lundi la construction d’une grande mosquée à Marseille. Ce lieu de culte aurait une forte valeur symbolique pour les 200 000 habitants de culture musulmane de la cité phocéenne. Les partis d’extrême droite, qui avaient déjà fait annuler une première délibération favorable de la municipalité, promettent de faire de nouveau barrage.
Jean-Claude Gaudin veut devenir le maire qui aura donné à Marseille sa grande mosquée. Le conseil municipal de la ville a une nouvelle fois autorisé la construction du lieu de culte musulman, ce 17 juillet, trois mois après que le tribunal administratif a cassé un premier accord donné en juillet 2006. Saisi par trois partis d’extrême droite – le FN (Front national), le MNR (Mouvement national républicain) et le MPF (Mouvement pour la France) – l’organisme avait jugé le 17 avril dernier que la faiblesse du loyer annuel, d’une valeur de 300 euros, réclamé à l’association cultuelle responsable du projet, constituait une subvention masquée de la municipalité.
Les partenaires municipaux et associatifs ont revu leur copie, en fonction des estimations locatives des services fiscaux, et le loyer annuel a été porté à 24 000 euros. Le bail, à l’origine de 99 ans, a été baissé à 50. La nouvelle mosquée devrait devenir avec ses deux minarets de 25 mètres l’une des plus grande de France. Elle s’étendra sur 2 500 m², dans le XVe arrondissement de la ville, sur le terrain des anciens abattoirs de Saint-Louis, et pourra accueillir de 2 000 à 4 000 fidèles les jours de fête. « Tout le monde a droit à un lieu de culte significatif, a déclaré le maire UMP à la sortie du conseil municipal. C’est la dignité, le respect des valeurs de la République que de permettre à des gens de pratiquer leur culte ».
Reste que les partis d’extrême droite ont déjà indiqué leur intention de faire de nouveau appel. Parmi les griefs d’Hubert Savon, conseiller municipal MNR de Marseille : le montant du loyer qu’il juge toujours trop bas. « En 2007, lors de la décision du tribunal administratif, les services fiscaux avaient estimé la valeur locative du terrain à 140 000 euros. Cette année, un autre service, France domaine [[France Domaine est un service de la direction générale de la comptabilité publique, créé par un arrêté du 23 décembre 2006 consécutif au transfert des compétences domaniales à cette direction réalisé par le décret n° 2006-1732 du 23 décembre 2006. Il représente l’Etat-propriétaire tant dans les relations internes à l’Etat (relations entre administrations ou avec les opérateurs de l’Etat) ou externes avec les occupants du Domaine de l’Etat, les candidats à l’aquisition de biens de l’Etat, les prestataires de toute nature.]], l’a estimé à 24 000 euros. Pourquoi un autre service et pourquoi une telle différence ? », interroge le conseiller FN, qui assure qu’il se poserait la même question pour une église.
De Marrakech à Marseille
« Nous avons une différence fondamentale avec vous, lui a lancé lundi Jean-Claude Gaudin, lors de la délibération : nous voulons assurer un lieu de culte digne à tous ceux qui vivent dans cette ville ». C’est le même Jean-Claude Gaudin qui assurait en 1995, lors de son premier mandat municipal, qu’il était d’accord pour une grande mosquée… « mais à Marrakech » ! Dans une ville où la population de culture musulmane est estimée à 200 000 personnes, le maire ne pouvait tenir ce discours très longtemps. « Je lui reconnais beaucoup de défauts, commente Hubert Savon, mais de ce point de vue… c’est une bête électorale. »
En 2001, lors de sa réélection, Jean-Claude Gaudin s’est emparé de ce serpent de mer, que les maires s’étaient passés depuis un siècle, pour le faire aboutir. Sa plus grande difficulté aura été d’obtenir « l’unanimité de la communauté » musulmane, ce qui l’a conduit en 2002 à refuser un premier permis de construire. Enjeu de ce dossier, qui devenait de plus en plus politique : la reconnaissance de milliers de Marseillais de confession musulmane, même non pratiquants, à travers une grande mosquée à forte valeur symbolique. Une « reconnaissance » dont s’est d’ailleurs félicité lundi Nourredine Cheikh, le président de l’association La Mosquée de Marseille.
Pour le reste, « la configuration géographique de Marseille rend peu pertinente le projet de grande mosquée-cathédrale, estimait fin 2003 Youcef Mammeri, le vice-président du Conseil régional du culte musulman de Provence Alpes Côtes d’Azur, dans une interview à Saphirnews. Les gens prient souvent dans leur quartier et si les places manquent parfois, cela ne sera pas résolu par un grand lieu en un endroit précis », assurait-il en prenant l’exemple de la mosquée de Lyon.
Le coût annoncé pour la construction du lieu de culte est de 8,6 millions d’euros. Une souscription va bientôt être lancée et les contributions d’Etats musulmans, promet Nourredine Cheikh, ne dépasseront pas 30 à 40% de la somme totale.