Marrakech, capitale de l’amour tarifé


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Les fausses-vraies révélations de l’ancien ministre français Luc Ferry ont mis en lumière le côté sombre de la ville rouge : la présence de plus en plus visible d’une prostitution qui ne se cache même plus.

Enquêter sur la prostitution à Marrakech, au Maroc, n’est pas un exercice difficile : elle est à tous les coins de rues. Dans les cafés, les bars, les restaurants, les boîtes de nuit, impossible d’échapper à un phénomène qui a connu en quelques années une inflation sensible.

Agée de 46 ans, Souad est une marocaine expatriée qui vit désormais la plupart du temps à Montpellier. Rencontrée à Marrakech, elle nous livre un témoignage immédiat : «Je suis de Meknès, et je suis venue à Marrakech pour vendre l’appartement que j’avais acheté ici il y a quelques années. J’ai été très choquée par ce que j’ai constaté ici. Un client d’un pays du Golfe est arrivé à mon hôtel avec deux jeunes marocaines, ils ont pris trois chambres, autour de la mienne, et j’ai entendu leurs aller-retours tout au long de la nuit. C’était insupportable, et je suis allée frapper à la porte de mon voisin : je les ai trouvés tous les trois à moitié nus… Je les avais dérangés en pleine action… Marrakech n’était pas comme ça il y a quelques années. Je suis très déçue par cette évolution!»

Paul est un Français installé à Marrakech depuis un an, jeune retraité, il a une cinquantaine d’années : «J’ai tout quitté en France pour venir vivre à Marrakech. J’ai vendu ma maison à Nice, j’ai acheté un appartement ici et j’ai ouvert une pizzeria. On trouve ici ce qu’on ne peut pas trouver en France : le soleil, et les femmes faciles… Même si parfois on est obligé de payer. Ici c’est la règle du jeu : tout se monnaye.»

Des prostitués des deux sexes

Les femmes… Mais pas seulement! Rencontré lors d’une soirée, Amine est un jeune homosexuel de 26 ans qui se livre facilement : «La prostitution masculine est un phénomène très présent à Marrakech. La plupart des garçons qui ont un physique avantageux ne travaillent pas, et se font entretenir par des étrangers d’un certain âge, qui ne pourraient pas vivre ce genre d’aventures dans leur pays d’origine. Un homme jeune a le choix entre travailler dur pour un salaire de misère, ou faire la fête tous les soirs et gagner beaucoup plus… Pour beaucoup, la tentation est trop forte!»

Interrogée à la terrasse d’un café de l’avenue Mohammed V, Samia est une jeune étudiante en management de 23 ans, originaire de Casablanca. Elle avoue sans trop de gêne son mode de vie : «Les temps sont durs, mes parents ne peuvent pas financer mes études, et j’ai envie de m’en sortir, d’avoir un bon métier. Mais je dois subvenir à mes besoins pour pouvoir rester à l’Université ! Mes clients sont à la fois des Marocains et des étrangers…» Et elle ajoute dans un sourire : «Je préfère travailler avec les étrangers, ils payent mieux !»

Les causes de la prostitution sont là : confrontation brutale entre des niveaux de vie trop différents. Une population majoritairement pauvre, et des étrangers, résidents ou touristes, qui sont proportionnellement très riches. Le contraste est source d’une forte tentation, à laquelle il est facile de céder dès lors que les barrières familiales ou sociales sont levées.

L’obscure affaire de prostitution évoquée par Luc Ferry sur CANAL+ n’a pas étonné beaucoup les habitants de Marrakech, qui s’inquiètent plutôt d’un phénomène de plus en plus répandu dans leur ville, et d’une évolution qu’il semble impossible de freiner ou d’inverser. Nombreux sont ceux qui regrettent le Marrakech d’avant.

Par Mohamed Mehrez Ben Hamouda

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