Le projet de loi de finances 2013 marocaine a été approuvé par la chambre des représentants en deuxième lecture après les amendements apportés par la chambre des conseillers. Certes, une bonne nouvelle concernant le respect des délais, au regard de la mésaventure de l’année dernière (vote retardé de 6 mois), mais cette nouvelle Loi de Finances n’est pas toujours conforme à la nouvelle constitution et présente plusieurs contradictions par rapport aux objectifs fixés, notamment la croissance et le rétablissement des équilibres macroéconomiques.
Si la nouvelle constitution a insisté sur l’approche participative dans l’élaboration des lois et des stratégies engageant l’avenir du pays, force est de constater que le gouvernement Benkirane a fait cavalier seul et peu pris en considération les doléances des différentes parties prenantes. De même, le budget de cette année aurait dû être encadré par une nouvelle loi organique conforme à la nouvelle constitution, favorisant plus de transparence, de rigueur et d’efficience dans la gestion des finances publiques, ce qui n’a pas été le cas. Et puis, on pourrait se poser des questions sur sa légitimité après que 163 députés seulement ont participé à son vote, c’est-à-dire moins que la moitié du parlement. Quant au niveau du contenu, la nouvelle constitution a insisté sur la lutte contre l’économie de rente et la corruption. Or, la nouvelle loi de finances brille par l’absence d’une stratégie et de mesures opérationnelles pour lutter contre ce double fléau. Le coût de ce dernier est pourtant très élevé puisque cela correspond à 2 point en moins de croissance et donc une perte de 60 000 à 70 000 emplois – un luxe que l’on ne peut pas se permettre en ce temps de crise, et, qui plus est, dans un pays « pauvre ».
Ensuite, c’est la reconduction, voire l’augmentation, du budget réservé aux comptes spéciaux du Trésor. Une boîte noire, dont la part est passée de 12% en 2003 à 17% pour 2013. Le pire est que leur fonctionnement n’a jamais fait l’objet d’aucune évaluation puisqu’elle échappe complètement au contrôle de la Cour des comptes comme à celui des parlementaires. On est ainsi loin de l’objectif de responsabilisation et de reddition des comptes, ingrédients pourtant indispensables à toute bonne gouvernance – stipulée par la nouvelle constitution.
De même, l’instauration de la taxe sur la solidarité sur les hauts revenus est non seulement anti-constitutionnelle car l’article 40 ne la prévoit qu’en cas de catastrophe naturelle, mais également anti-croissance. En effet, on vise la classe moyenne, qui est le moteur du développement économique : la réduction de son pouvoir d’achat est en contradiction avec l’objectif de stimulation de la demande interne et de l’investissement privé. Le gouvernement Benkirane n’est pas dans une logique de création de richesse pour tous, mais dans une logique de redistribution stérile consistant à déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Dans le même ordre d’idées, il est incompréhensible de déclarer vouloir consolider la croissance tout en négligeant la source de cette croissance, à savoir l’entreprise. Le gouvernement Benkirane n’a pas jugé opportun de répondre aux doléances des entrepreneurs notamment en matière de réforme de la TVA, de la réhabilitation de la confiance entre l’administration et l’entreprise, et la mise à niveau de la compétitivité. Cette négligence s’inscrit en faux contre l’objectif de croissance et de création d’emploi, principale revendication des jeunes marocains.
Enfin, le report de la réforme de la caisse de compensation et des caisses de retraite entre en conflit avec l’objectif de rétablissement des équilibres macroéconomiques. Avec l’augmentation des dépenses dans ce budget de 4% par rapport à l’année dernière, le gouvernement est en contradiction avec son objectif de rationalisation des dépenses publiques. L’allocation du budget entre les différents ministères montre que ce sont toujours les mêmes ministères qui accaparent l’essentiel du budget, et, qui plus est, des secteurs improductifs comme l’intérieur, la défense nationale, dont les budgets auraient pu être utilement révisés à la baisse alors qu’on demande à tout le monde de faire des efforts. De même, les investissements publics restent orientés toujours vers les infrastructures de base plutôt que des infrastructures de production de richesse et de secteurs exportateurs. Au regard de la situation critique de nos réserves de change (ne dépassant pas les 4 mois d’importations), il aurait été plus judicieux d’investir dans des projets pouvant rétablir notre stock de devises, notamment tout ce qui concerne le tourisme et les nouveaux métier du Maroc comme l’aéronautique et les voitures, dont la croissance est plus qu’encourageante.
Somme toute, le gouvernement Benkirane semble avoir une nouvelle fois bricolé un budget de « transition », anti-croissance, occultant la nouvelle constitution et avec de nombreuses contradictions, ce qui risque d’hypothéquer sérieusement les chances de l’économie marocaine de sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouve.