Au Maroc, une association se bat sur le terrain pour apporter soins et soutien aux malades du sida. Sa priorité reste bien sûr la prévention. À tous les niveaux.
L’Association marocaine de lutte contre le sida, créée en 1988 par un groupe de médecins, est l’une des rares associations du pays à mener une véritable action sur le terrain. Présidée par une femme, professeur en infectiologie, elle est dirigée par Atiqa Chajai qui, avec les quatre autres membres permanents du groupe, fait vivre l’association. Cette dernière précise qu’une cinquantaine de volontaires travaillent à Casablanca. Plus de deux cents bénévoles sont répartis dans le reste du pays. Car l’association, qui a son siège à Casablanca, a des antennes dans une dizaine de villes marocaines.
Dans chaque ville, l’association est sur tous les fronts : la prise en charge des malades, la prévention et la formation. « Nous n’avons pas le choix », avoue Atiqa « nous devons tout faire nous-mêmes ». Comme les anti-rétroviraux ne sont pas vendus en pharmacie, l’association se charge d’acheter les médicaments pour les revendre à ceux qui en ont besoin. « La trithérapie n’existe pas au Maroc. Une trithérapie coûte en moyenne 6 500 dirhams, ce qui représente 4 fois le salaire mensuel moyen marocain. Donc soit vous avez les moyens, soit vous êtes chez la seule assurance ici qui accepte la prise en charge ».
Une maladie peu visible
Des situations compliquées pour les malades marocains qui n’ont que peu de ressources. « Les gens que nous accueillons dans notre association viennent de milieux sociaux pauvres. Nous ne voyons jamais les riches. Ils vont se faire soigner ailleurs » ajoute Atiqa. Il y a officiellement 800 cas de sida déclarés au Maroc depuis le début de l’épidémie en 1986, et une estimation de 15 à 20 000 personnes touchées.
« J’espère que nous n’atteindrons jamais la situation catastrophique de certains pays d’Afrique » note Atiqa. Le sida, maladie encore peu visible, effraie, mais « beaucoup de gens ne savent pas encore comment il se transmet ». Beaucoup refusent aussi de faire les tests de dépistage. « Nous avons ouvert des centres de dépistage gratuits à Tanger ou Essaouira par exemple, mais c’est difficile ».
Pour expliquer et éduquer, l’association met en place des campagnes de prévention, grand public et de proximité. La prévention grand public se fait l’été sur les plages, l’hiver dans les écoles. « Nous essayons de toucher un maximum de personnes. Nos info-bus – unités mobiles de prévention – se rendent dans les lieux excentrés, à la périphérie des villes. On projette des films, on fait des distribution de préservatifs. Nous allons là où il y a du monde : les marchés, les gares. Nous avons différentes commissions de volontaires, qui sont formées pour parler aux gens. Ce sont des actions ponctuelles mais qui se répètent tout au long de l’année ».
Il faut la TV
« Les gens viennent voir par curiosité. Ils sont attirés par les banderoles, les volontaires qui parlent au micro. Jusqu’à 40-45 ans, les gens sont intéressés ». Atiqa explique que pour toucher un plus large public – 60% de la population marocaine est analphabète -, il faudrait faire des spots télévisés, mais l’association n’en a pas les moyens pour l’instant. Ses ressources proviennent pour une petite part de l’Etat, des collectivités locales, des donations d’entreprises, de particuliers. De plus l’association s’associe beaucoup avec la France et des associations comme AIDES pour financer des opérations.
La prévention de proximité touche les populations qui ont un comportement « à risque », comme les ouvrières saisonnières, plus ou moins migrantes. Certains métiers sont également ciblés, au premier rang desquels la prostitution, véritable « facteur de vulnérabilité » explique Atiqa. Mais, elle note aussi que le mariage est un important facteur de risque : « Nous avons de nombreux cas de couples dans lesquels les deux partenaires sont touchés ». Pour autant, le profil des malades marocains « est assez européen » remarque Atiqa. Les 30-39 ans sont les plus touchés (44%), suivis des 15-29 (26%), avec une prédominance de l’hétérosexualité (68%) et du milieu urbain (88%).
Les malades se cachent encore, mais « les choses vont de mieux en mieux » explique Atiqa. « Tout dépend de la façon dont la maladie a été attrapée. Il y a souvent un phénomène de rejet au début, mais une fois que la maladie est installée, la famille se serre les coudes. Bien sûr, on en est encore au stade du tabou, de la culpabilisation : parfois, la personne séropositive n’a pas le droit de manger à la même table que les autres. Cela dépend des situations mais ce n’est pas une question de niveau social ».