Le 21 août 2012, les notables du royaume chérifien se prosternaient devant leur souverain en signe d’allégeance. Retour sur une cérémonie jugée « humiliante » par les défenseurs des droits humains.
En visionnant la vidéo ci-dessous dans laquelle on aperçoit des centaines de personnes vêtus de djellaba blanches, on pourrait croire, si ce n’est le décor trompeur, qu’il s’agit d’un pèlerinage à la Mecque. En fait, il s’agit d’un millier de notables, d’élus et de membres du gouvernement marocain massés dans l’enceinte du Mechour du palais royal à Rabat, encadrés par les serviteurs du souverain. Ces dignitaires sont venus prêter allégeance à leur roi, Mohammed VI, à l’occasion de la fête du trône. Appelée aussi bayâa, cette fête se déroule chaque 30 juillet, date à laquelle Mohammed VI a succédé en 1999 à son père Hassan II. Cette année, en raison du Ramadan, la cérémonie protocolaire a eu lieu le 21 août. En rang, les dignitaires se prosternent par groupes successifs devant leur roi qui apparaît sur un cheval, protégé d’une ombrelle.
Origine de la bayâa
Dans la tradition musulmane, la bayâa consiste à rendre hommage et à obéir à un dirigeant. Ceux qui prêtent serment, s’engagent à reconnaître l’autorité de l’émir (celui qui donne les ordres, ndlr). Au Maroc, le souverain est, selon l’article 19 de la Constitution, Amir Al Mouminine (le commandeur des croyants, ndlr). Les premières bayâas qui ont eu lieu dans l’histoire de l’Islam sont celles qui ont été faites en l’honneur du prophète Mohammed, et par lesquelles les premiers musulmans reconnurent son autorité. Elle établit une relation hiérarchique au sommet de laquelle se trouve celui qui dirige.
Toutefois, les défenseurs des droits humains au Maroc jugent « humiliant » le devoir, pour les dignitaires, de se prosterner devant le roi pour lui prêter allégeance. « Nous souhaitons l’abolition des cérémonies humiliantes », commente Khadija Ryadi, la présidente de l’Association marocaine des droits humains (AMDH). « A travers cet acte, c’est tout le peuple marocain qui est humilié », affirme-t-elle avant d’ajouter qu’en mars 2011, lors d’un débat télévisé, « l’AMDH avait marqué son désaccord en demandant l’abolition de cette coutume ». Et de conclure : « Cet acte touche à la dignité humaine! »
D’autres, comme le montre ce post publié sur le site Leral.net, ne voient en cette cérémonie aucun acte d’humiliation : « Il n’y a aucune forme d’humiliation ou de dégradation de la personne dans la prosternation. Au Maroc, il est de tradition, par respect, de se prosterner devant son père et sa mère et de lui baiser la main et la tête, car ils représentent la seule autorité dans la maison. » Les plus religieux diront qu’il n’est pas permis de se prosterner devant quiconque, si ce n’est Dieu, au risque de commettre un acte d’idolâtrie.
Initialement, cette cérémonie se déroulait au moment de l’intronisation du nouveau roi, mais elle a été annualisée en 1962 par Hassan II.
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