Après une semaine de violence urbaine et de répression policière à Taza, ville située au Nord-Est du Maroc, à une centaine de kilomètres de Fès, la question se pose d’une dégradation des conditions sociales porteuse de tensions nouvelles au sein du Royaume alaouite.
Ce n’est pas la première fois que des émeutes urbaines secouent la ville de Taza, au Nord-Est du Maroc : déjà à deux reprises depuis le 4 janvier dernier, des sit-in et des manifestations sociales ont dégénéré en affrontements violents avec la police.
Cette semaine, le point de départ des émeutes s’st situé mercredi 1er février, selon le témoignage de Mohamed Chbairi, président de la section de Taza de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), recueilli par Le Soir Echos.
Le film des événements
«Tout a commencé avec deux sit-in, le premier organisé devant le siège de la préfecture par l’Association nationale des diplômés sans emploi et le second est une initiative du groupe des licenciés, tenu au quartier administratif, qui abrite les domiciles des hauts cadres de l’Administration territoriale», raconte-t-il. «La police a empêché une tentative de ces jeunes d’investir les locaux de la préfecture par la force. (…) Difficile de dire si un élément de la police a blessé une femme enceinte parmi le groupe des licenciés ou non, mais les faits sont là, cette information a mis manifestement le feu à la poudrière, donnant le signal à de vifs affrontements entre manifestants et forces de l’ordre», précise-t-il.
Des scènes de guérilla urbaine auraient duré plusieurs heures. Les diplômés ont brûlé des pneus sur la route, tandis que la police, qui a fait appel à des renforts venant de Fès, a précipité sur la foule des véhicules à vive allure, toujours selon Le Soir.
Les affrontements violents ont fait plus de 200 blessés, approximativement autant parmi les forces de l’ordre que parmi les jeunes manifestants, et 13 personnes ont été arrêtées mercredi, à la fois pendant les événements et au cours de perquisitions musclées réalisées dans les habitations. Divers témoignages faisant état de brimades et d’intimidations à l’égard des familles qui recueillaient les jeunes blessés…
Une mobilisation qui s’entretient elle-même
Le chômage et la revendication de tarifs plus bas pour l’électricité, ainsi que l’appel à la démission du gouverneur de la province de Taza, sont les causes objectives de cette mobilisation, mais les arrestations réalisées par les forces de l’ordre lors de chaque émeute constituent de nouvelles justifications pour organiser des rassemblements.
La manifestation du 1er février appelait notament à la libération des 5 personnes arrêtées le 4 janvier dernier, et c’est ainsi que vendredi 3 février après-midi une marche était à nouveau organisée en direction du Tribunal de grande instance de Taza, pour réclamer la libération des 13 personnes arrêtées mercredi. Près de 3000 personnes auraient pris part à cette nouvelle marche…
Ainsi la population de Taza se retrouve-t-elle en état de siège, les manifestants parfois cagoulés, armés et violents, mettant à sac une partie de la ville, visant en particulier le siège de la Province dont le gouverneur est accusé de tous les maux. Jets de pierre, pneus brûlés, cocktails Molotov, barrages routiers… tels sont les nouveaux arguments d’une négociation sociale au point mort, où la violence répressive fait finalement le jeu d’une désorganisation sociale croissante, en multipliant les révoltés.
Symptôme d’un malaise social profond, l’abcès de fixation de Taza témoigne à la fois du désespoir social des jeunes diplômés sans emploi et de la faiblesse des réponses sécuritaires qui y sont actuellement opposées.