Alors que leurs voisins tunisiens se préparent à élire une assemblée constituante le 23 octobre 2011, les revendications du Mouvement du 20 février au Maroc n’ont pas été entièrement satisfaites. Les militants continuent à exprimer leur colère bien qu’ils aient de plus en plus de mal à rassembler les masses presque huit mois après la naissance du mouvement.
Principalement composé de cyber-militants indépendants, des membres de l’association islamique Al Adl Wal Ihsane (Justice et Bienfaisance) et des partisans d’extrême gauche, le Mouvement du 20 février (M-20) peine à rassembler ses troupes plus de sept mois après sa création. Pour rappel, le M-20 réclame un changement politique et social radical tel que l’adoption d’une nouvelle Constitution votée par une assemblée constituante élue démocratiquement, la dissolution du parlement ou encore la libération de tous les prisonniers politiques et d’opinion. A ce jour, de nombreux prisonniers politiques ont été libérés, la Constitution a eu droit à un lifting, le salaire des fonctionnaires a été revu à la hausse et de nombreux diplômés chômeurs ont obtenu un job. Pas assez pour calmer la colère du M-20. Certaines revendications ont été ignorées ou partiellement étudiées. De fait, les protestataires continuent de manifester régulièrement dans les grandes villes bien que les classes moyenne et ouvrière n’ont pas vraiment été embarquées par le mouvement.
La reprise des manifestations en ces jours de rentrée n’est pas une grande réussite. Cette reprise, considérée comme celle « de la rentrée politique et sociale », n’a pas mobilisé grand monde. Lors de la dernière marche, le 25 septembre, les villes de Rabat et Tanger ont rassemblé à peine 2000 personnes à elles seules. Casablanca reste, pour le moment, épargnée par la désaffection du mouvement. Ce jour-là, 8000 personnes sont descendues dans les rues de la ville blanche. Il s’agissait du septième appel à manifester depuis le 20 février 2011.
Revendications sur fond de désorganisation
Depuis le début des mouvements sociaux au Maroc, la mouvance islamique Justice et Bienfaisance (Al Adl Wal Ihsane) s’affiche aux côtés des jeunes du M-20. Les autorités marocaines accusent Al Adl Wal Ihsane de « noyauter » et « manipuler » les jeunes du 20 février, lit-on sur Afriquinfos. L’association, interdite mais tolérée, bénéficie d’une bonne implantation dans beaucoup de quartiers populaires grâce à ses actions sociales. « Quand les gens entendent qu’une partie du mouvement est constituée d’islamistes fanatiques et de fanatiques communistes, ils ont peur », souligne l’économiste Fouad Abdelmoumni, membre du M-20. « Le mouvement n’atteindra sa maturité que lorsqu’il inclura le citoyen lambda », ajoute-t-il. De son coté, Oussala Elkhlifi, l’un des membres fondateurs du Mouvement a déclaré à Rue89 : « Même si je suis de gauche, je n’ai pas de problème avec les islamistes. En tant que démocrate, je ne peux pas les attaquer. Mais leur façon de travailler au Mouvement nous a créé des problèmes avec le peuple. Ils ne sont pas clairs. Quand nous parlons de monarchie parlementaire, eux parlent de choses qui n’ont rien à voir avec nos revendications : le califat, par exemple. » Mais l’absence d’idéologie est, selon lui, un point fort. Ce mélange de gauchistes, de libéraux et d’islamistes ne serait donc pas un problème ni une faiblesse.
L’absence de clarté dans le programme du M-20 est une véritable faiblesse. Beaucoup de citoyens marocains ne comprennent pas pourquoi des manifestations ont toujours lieux alors que la Constitution a été révisée et que des actions sociales ont été menées. Oussala Elkhlifi a admis une mauvaise communication avec le peuple. « Nous sommes sortis chaque dimanche dans la rue. Si on sort dans la rue chaque dimanche, on n’a pas le temps de discuter avec les gens. » En manquant d’informer correctement les Marocains, le Mouvement continue de perdre davantage sa popularité.
L’adhésion des partis politiques au sein du M-20 a également porté préjudice aux jeunes militants. Autrefois, le peuple appréciait ce mouvement composé de la jeunesse marocaine en proie à plus de liberté et de démocratie. Force est de constater qu’au moment de l’intégration des partis politiques, le nombre de manifestants a diminué.
Tous ces problèmes devraient être mis en exergue lors des prochaines assemblées du M-20 afin d’en trouver les solutions, selon Oussala Elkhlifi. Pour autant, les militants ne lâchent rien. Les réformes proposées par le roi Mohammed VI ont été qualifiées de « faux semblants ». Les protestataires entendent reconquérir le cœur des Marocains et fixer de nouvelles dates pour manifester. Les principaux enjeux sont, pour Fouad Abdelmoumni, « l’éradication de la corruption et l’instauration d’une monarchie parlementaire ».