Pour le premier anniversaire de son intronisation, le jeune roi du Maroc a prononcé dimanche dernier un discours du trône salué unanimement par la presse marocaine. Nouveau style, nouvel élan… nouveau Maroc ?
Dès le 30 juillet 1999, date de son accession au trône, le jeune monarque avait affiché sa volonté d’aller de l’avant. Celui que l’on appellerait bientôt « le Roi des pauvres » avait rapidement créé la Fondation Mohammed V pour la solidarité et fait de la lutte contre la pauvreté la pièce maîtresse de sa politique sociale. Des signes qui laissaient présager un intérêt monarchique peu traditionnel pour les exclus de la société marocaine -et Dieu sait qu’ils sont nombreux.
Un an plus tard, le roi n’a pas déçu ses sujets. Malgré des blocages et des pesanteurs encore très présents au Maroc, Mohammed VI a su redonner confiance au peuple marocain. Dimanche 30 juillet, son discours du trône a fait sensation. « A la fois discours-bilan et discours-programme, le discours du trône a été aussi riche et dense que l’a été l’activité de Sa Majesté au cours de cette année » note M. Fouad Neggar, directeur délégué et rédacteur en chef du journal marocain La Vie Economique.
En effet, le jeune roi n’a pas ménagé sa peine, n’hésitant pas à fouler de ses bottes souveraines les régions les plus reculées de son pays pour aller à la rencontre de son peuple. C’est cette image de roi dynamique qu’apprécie Herradi Jamal, secrétaire général de la rédaction du journal Al Bayane : « Il assure le suivi des chantiers qu’il a mis en oeuvre, et il est beaucoup plus proche de ses sujets que ne l’étaient ses prédecesseurs. »
La main à la pâte
C’est aussi l’absence de protocole qui marque les esprits, la simplicité du souverain, et des mesures symboliques : loin des fastes de son défunt père, il a décidé de consacrer aux défavorisés du pays les crédits traditionnellement réservés aux cérémonies de la fête du trône.
« Une très large frange de la société marocaine l’aime beaucoup, car il est très sensible à la condition précaire d’une partie de la population, et il n’hésite pas à mettre la main à la pâte » explique Fouad Neggar. Et Maroc-Hebdo de se répandre en louanges : « En complet veston, ou en chemisette, souriant et attentif, l’image du souverain, à la fois profondément marocain et à la pointe de la modernité, stimule l’enthousiasme populaire et une confiance sans réserve chez ceux qui auraient pu être tentés de désespérer de tout ».
Le jeune roi bouscule aussi par son vif désir de réformes qu’il a réitéré dans son dernier discours.« Il veut mettre les Marocains au travail » explique Fouad Neggar. Reste à savoir si le gouvernement arrivera à suivre le mouvement. « Car les ambitions de la jeunesse du roi devront tenir compte des réalités économiques du pays » note Herradi Jamal. Il poursuit pourtant : « Le gouvernement doit suivre ou partir. C’est la logique même. »
Concert de louanges
Il est vrai que dans son discours, Mohammed VI a indirectement rappelé au premier ministre « son rôle de chef de l’exécutif qui doit mener ses troupes » explique M. Jamal. Ces termes guerriers dénotent d’un nouvel élan, sensible dans toutes les franges de la population. Al Bayane n’hésite pas à parler de « Djihad économique », et son secrétaire général de la rédaction explique qu’il est temps pour le Maroc « de retrouver son statut de ‘dragon’ du Maghreb ».
Dernier point : l’ouverture démocratique dont fait preuve le souverain et que Al Bayane qualifie de « révolutionnaire ». « Le roi tranche avec les discours du passé » note Herradi Jamal. Pourtant des bémols existent, et le roi avoue lui-même qu’il n’a pas de « baguette magique » pour résoudre tous les problèmes auxquels le Maroc est confronté aujourd’hui. On pense bien sûr au chômage qui touche 22% des actifs, au fait que 13% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. On pense aussi à l’économie marocaine largement dépendante d’une activité agricole malmenée cette année par une sécheresse terrible. « Mais le roi n’y est pour rien » note avec humour M. Neggar. Bien sûr.
Mais on peut aussi évoquer les cas de censure radicale dont ont été victimes certains journaux marocains au début de cette année 2 000. Il y a donc une limite à la tolérance et des sujets tabous dont on ne peut toujours pas parler librement au Maroc. On ne peut pas non plus ignorer que si changement d’esprit il y a dans la manière de gouverner, le changement de l’équipe dirigeante n’a été que partiel. Et veillent dans la coulisse, quelques dinosaures influents déjà en place sous Hassan II.
Autant de chaînes que le jeune roi devra briser s’il veut réellement être le réformateur qu’il souhaite être. Et que ses sujets veulent qu’il soit.