Maroc : Mohammed VI acte l’Initiative Atlantique avec la Mauritanie et provoque l’ire du Polisario


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Frontière Maroc Sahara Mauritanie
Frontière Maroc Sahara Mauritanie

Le Maroc et la Mauritanie officialisent l’ouverture d’un nouveau poste-frontière dans le cadre de l’Initiative Atlantique, marquant une évolution dans les relations entre les deux pays sur la question du Sahara occidental. Ce projet stratégique du roi Mohammed VI, visant à contrôler un accès à l’océan pour les pays du Sahel, provoque la colère du Front Polisario qui y voit une reconnaissance de facto de la souveraineté marocaine sur le territoire disputé.

Le ministère de l’Intérieur mauritanien a publié une circulaire officialisant l’ouverture d’un nouveau poste-frontière terrestre entre la Mauritanie et le Maroc. Cette décision suscite des réactions, notamment du Front Polisario qui y voient  une reconnaissance tacite de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental par la Mauritanie. De son côté, le royaume chérifien se félicite de ce projet, soulignant son importance pour les pays du Sahel, qui bénéficieront ainsi d’un accès direct à l’Atlantique.

L’Initiative Atlantique du roi Mohammed VI

Cela fait plus de trois décennies que le Maroc n’avait pas ouvert de frontière terrestre vers l’est, depuis la fermeture de celle avec l’Algérie en 1994. Le nouveau poste-frontière, prévu pour 2025, marque donc un changement majeur en facilitant les échanges commerciaux et les déplacements pour les nations du Sahel. Ce projet, qui s’inscrit dans la vision stratégique du roi Mohammed VI, a été baptisé « Initiative Atlantique ». Il a reçu l’adhésion de plusieurs pays voisins, notamment le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad, qui y voient une opportunité d’accéder plus facilement aux routes maritimes.

Le Maroc a déjà presque terminé la construction des 93 kilomètres de route reliant Smara au futur poste-frontière. Côté mauritanien, des travaux sont également en cours pour prolonger la RN1 à partir de Bir Moghrein. Cette localité, anciennement appelée Fort Trinquet, se trouve à quelques centaines de kilomètres au sud de la frontière algérienne et des camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, en Algérie. La création de ce corridor routier représente une avancée importante pour le développement des infrastructures dans cette région isolée du Maghreb et du Sahel.

Le rôle historique de la Mauritanie dans le conflit du Sahara occidental

La Mauritanie a joué un rôle complexe et évolutif dans le conflit du Sahara occidental. Après le retrait de l’Espagne en 1975, le territoire a été divisé entre le Maroc et la Mauritanie suite aux Accords de Madrid. La Mauritanie a alors annexé le tiers sud du territoire, appelé Tiris al-Gharbiyya.

Cependant, face à la résistance militaire du Front Polisario et aux difficultés économiques internes, la Mauritanie s’est retirée du conflit en 1979, signant un accord de paix avec le mouvement indépendantiste et renonçant à ses revendications territoriales. Le Maroc a alors étendu son contrôle en colonisant les zones précédemment sous administration mauritanienne.

Depuis lors, Nouakchott a adopté une position officiellement neutre dans le conflit, tout en maintenant des relations diplomatiques à la fois avec le Maroc et la République arabe sahraouie démocratique (RASD) proclamée par le Polisario. Cette neutralité a permis à la Mauritanie de jouer un rôle de médiateur à plusieurs reprises, notamment dans les négociations sous l’égide de l’ONU. L’instance internationale considérant que le territoire doit être décolonisé.

L’évolution de la position mauritanienne vers une coopération plus étroite avec le Maroc, particulièrement visible avec ce nouveau poste-frontière, marque donc une évolution notable dans la politique régionale, compte tenu de ce passé complexe.

Les tensions avec le Polisario et le précédent de Guerguerat

Toutefois, cette ouverture de frontière ne se fait pas sans tensions. Le Front Polisario, basé à Tindouf, a vivement dénoncé ce projet, qu’il perçoit comme une remise en cause de ses revendications pour l’indépendance du Sahara occidental. L’organisation a même menacé la Mauritanie d’une confrontation militaire si le poste-frontière venait à être opérationnel.

Cette situation rappelle les événements de 2020, lorsque des combattants du Polisario avaient attaqué la zone tampon près du poste-frontière de Guerguerat, à la frontière maroco-mauritanienne. Ces affrontements avaient conduit à l’intervention de l’armée marocaine, qui avait sécurisé le passage, entraînant de nombreuses pertes du côté sahraoui.

Un défi géopolitique et économique

L’ouverture de ce poste-frontière représente un enjeu géopolitique visant à favoriser l’exportation de produits sahéliens vers les marchés internationaux. Le royaume chérifien semble ainsi avoir réussi à rallier plusieurs partenaires du Sahel à son projet, qui s’inscrit dans une dynamique de coopération régionale plus large. La Mauritanie, de son côté, y voit un moyen de consolider ses relations diplomatiques et économiques avec le Maroc, tout en développant ses propres infrastructures.

Néanmoins, cette initiative attise des tensions. Si Rabat et Nouakchott mettent en avant les bénéfices économiques de ce projet, la question du Sahara occidental reste un nœud central de la géopolitique régionale. Le Polisario, qui revendique la souveraineté sur ce territoire, considère cette ouverture comme un coup de force marocain avec la complicité de la Mauritanie.

Ce nouvel axe pourrait ainsi raviver les tensions déjà vives entre le Maroc, l’Algérie et le Polisario. Le développement de l’Initiative Atlantique dépendra donc non seulement de la coopération économique et logistique, mais aussi de la gestion des frictions diplomatiques et militaires qui pourraient en découler.

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