L’hebdomadaire Nichane accusé de « diffamation envers l’islam et la monarchie » a été condamné, lundi, par le tribunal de première instance de Casablanca, à une interdiction de deux mois de publication. Le chef de la publication et l’auteur de l’article ont écopé de 3 ans de prison avec sursis assortis d’une amende. Selon eux, le verdict est lourd sur le plan économique, cependant, il relance le débat sur la liberté de la presse au Maroc.
Le tribunal de grande instance de Casablanca a condamné, lundi, à 3 ans de prison avec sursis et 80.000 dirhams (7.220 euros) d’amende, Driss Ksikes, directeur de publication de l’hebdomadaire arabophone Nichane, et Sanaa Al Aji, auteur de l’article intitulé « Comment les Marocains rient de la religion, du sexe et de la politique ». La cour a également interdit durant deux mois la parution du magazine.
Le 9 décembre 2006, l’hebdomadaire avait publié des plaisanteries mettant en scène Mahomet, le roi Hassan II, des islamistes et des Marocains ordinaires à la recherche d’une sexualité performante. Suite à cette publication, le Ministère public avait requis une peine de 3 à 5 ans de prison ferme ainsi que l’interdiction définitive d’exercer pour les journalistes incriminés, soulevant ainsi des indignations au Maroc et à l’étranger.
Le verdict du soulagement
« Je suis satisfait que le juge n’ait pas retenu les éléments du réquisitoire, notamment l’interdiction d’exercer »a déclaré M. Ksikes à l’AFP. Malgré les conséquences économiques qu’entraînera l’interdiction de parution de deux mois, le directeur de Nichane s’est réjoui du verdict. « Je considère que le jugement relance le débat sur les peines privatives de liberté à l’encontre des journalistes. », a-t-il affirmé.
Cependant, M. Ksikes a déclaré qu’il allait faire appel à la décision de justice et Reporter sans frontière a vivement condamné l’interdiction de Nichane, un hebdomadaire lancé en septembre 2006 et qui se vendait à près de 15.000 exemplaires par semaine avant son interdiction, il y a un mois. Selon l’organisation, cette censure est une entrave à la liberté de la presse, a rapporté allAfrica. L’avocat de Nichane a encouragé les journalistes à faire pression sur les pouvoirs publics pour qu’ils annulent le plus rapidement les « dispositions privatives de liberté ». Selon lui, la loi sur la liberté de la presse doit être réformée.
Le ministre de la communication, Nabil Benabdallah, satisfait que les deux journalistes n’aient pas été condamnés à des peines de prison ferme, a affirmé que « le projet de loi, qui supprimera, dans 20 articles, les peines de prisons en vigueur, sera présenté au parlement au printemps ».
Maroc, pays d’Islam
Le Maroc est considéré comme l’un des pays arabes où la liberté de la presse est le plus respectée. Toutefois, le ministre de la communication a déclaré que les peines de prison seront maintenues dans quatre articles de la loi « concernant les valeurs immuables du royaume et de l’ordre public ». Ce qui renvoie à la religion, à l’intégrité territoriale et la Monarchie. Dans un pays où l’islam est religion d’Etat et où le roi est le commandeur des croyants, ce verdict n’a pas été vu d’un bon œil par les islamistes extrémistes du Parti Justice et Développement (PJD). Le PJD, principale formation islamiste en tête des élections, a considéré ces écrits comme une atteinte aux valeurs sacrées du royaume et contraire à la morale.
En 2006, plusieurs journaux ont été condamnés pour diffamation à des amendes et peines de prison avec sursis, à la suite de plaintes pour offenses à des chefs d’Etats étrangers ou à la royauté.