Maroc : le Premier ministre Abdelilah Benkirane sur la sellette ?


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A quelques semaines des prochaines élections législatives au Maroc, le Premier ministre Abdelilah Benkirane voit ses chances de rempiler pour un second mandat à la tête du gouvernement diminuées par un bilan aux résultats décevants.

« Je préfère pour le moment travailler à partir de mon domicile et me reposer à la fois, en réfléchissant et en méditant ». Ces quelques propos lâchés, il y a quelques jours, par Abdelilah Benkirane au site Le360 traduisent l’étrange calme d’un chef du gouvernement qui se prépare à affronter la tempête des prochaines Législatives marocaines, annoncées pour le 7 octobre 2016. Pour convaincre et tenter de faire gagner une nouvelle fois le Parti de la justice et du développement (PJD), le Premier ministre devra pourtant dépasser la quiétude de son stade méditatif et s’efforcer de trouver les ressources et arguments nécessaires afin de défendre un premier bilan plus que mitigé.

Cinq années marquées par une faible croissance

Côté économie, la situation du Maroc accuse une baisse préoccupante, avec une croissance qui pointe à 3,2% en moyenne sur les cinq dernières années, « un des taux les plus faibles depuis 1960 » d’après l’économiste Abdelkader Berrada. L’universitaire a donné une conférence; au moins de juin, durant laquelle il est revenu sur les résultats économiques du gouvernement Benkirane pour livrer un constat loin d’être enthousiasmant, les indicateurs étant majoritairement en deçà des espérances.

Entre 2012 et 2015, l’endettement public a augmenté de 23%, une hausse importante favorisée par une très forte baisse de l’impôt sur les sociétés. Le gouvernement essaie de sauver les apparences en présentant un déficit budgétaire de l’ordre de 4,3% du PIB pour 2015 alors qu’il s’élève en réalité à 7,5%, soit au même niveau que celui de 2012.

Les dépenses publiques augmentent alors que les recettes fiscales ne cessent de diminuer. Elles couvrent aujourd’hui 62% des dépenses de l’Etat, quand le système fiscal parvenait encore à monter jusqu’à 80%, il y a de cela quelques années. Victimes directes de cette baisse des recettes, les entreprises publiques qui ont accusé une chute de leurs revenus de 4,2% en 2015.

Qu’il s’agisse de la croissance du pays ou de son taux de chômage, le Maroc est donc loin de satisfaire aux engagements pris par le PJD lors des élections de 2011. Le niveau de vie des Marocains s’affaiblit et les citoyens ont de moins en moins confiance en leur gouvernement pour redresser la barre. 77% des ménages s’attendent à une hausse du nombre de chômeurs dans les douze prochains mois, selon l’Indice de Confiance des Ménages (ICM) du deuxième trimestre 2016.

Le système de santé marocain vit également une crise majeure. Les dépenses totales de santé au Maroc se chiffrent à seulement 6,2% du PIB, des dépenses deux fois plus basses qu’en Tunisie et qui restent en dessous de la moyenne des 194 pays membres de l’OMS. La part des dépenses du ministère de la Santé dans le Budget général de l’Etat tournait autour des 4% en 2012, bien en dessous des standards internationaux et du taux de 9% recommandé par l’OMS.

Un style qui ne fait pas l’unanimité

Si les chiffres du mandat Benkirane sont mauvais, le style du Premier ministre suscite également la controverse. Bien qu’il bénéficie d’une certaine côte de popularité auprès des Marocains, ses récentes déclarations en direction de la gente féminine lui valent depuis la foudre de militantes et de responsables politiques marocaines.

En juin, le Premier ministre a en effet regretté l’évolution de la société marocaine et a déclaré : « Il y a un problème par rapport au rôle de la femme dans la famille moderne. Lorsque la femme est sortie des foyers, ceux-ci sont devenus sombres », avant d’ajouter : « Vous qui êtes là, vous avez été éduqués dans des maisons où il y avait des lustres. Ces lustres étaient vos mères […] Nous sommes fiers car Dieu nous a honorés pour défendre cette dimension ».

Ces propos ont déclenché une vague d’indignation dans le pays et plus de 200 personnes ont manifesté le 24 juin devant le Parlement pour faire savoir leur mécontentement et fustiger la vision rétrograde et misogyne du Premier ministre concernant la place de la femme dans la société marocaine. Un rapport aux femmes complexe qui se fait ressentir jusque dans son gouvernement et les relations que l’homme entretient avec ses collègues.

Alors que la ministre de l’Environnement Hakima El Haïté traversait une polémique provoquée par l’affaire de l’importation de déchets industriels provenant d’Italie, Benkirane n’a jamais daigné lui apporter son soutien alors qu’il aurait été facile pour lui de confirmer l’action de sa ministre sans trop de risque, l’impact environnemental de ces importations s’étant avéré nul.

Cette non réaction a d’autant plus été remarquée qu’elle met en évidence un désintérêt total du Premier ministre pour les questions environnementales, une indifférence illustrée de nouveau par l’absence du chef du gouvernement lors du lancement de la Med COP22, qui avait lieu le 18 juillet à Tanger. A quelques mois de la COP22, organisée cette année au Maroc, la gestion fantomatique de Benkirane concernant les dossiers « environnement » se révèle plus que dérangeante.

Le bilan du Premier ministre est donc loin de jouer en sa faveur pour les prochaines élections. Si les objectifs ratés le placent sur un siège éjectable, ses relations distantes avec le roi pourraient finir par l’envoyer tout droit en dehors du futur gouvernement. Malgré ce que Benkirane aime raconter sur ses pseudo bonnes relations avec le Roi Mohammed VI, la réalité est toute autre. Il est en effet le chef du gouvernement qui a le moins de contacts avec sa Majesté.

Le Roi lui reproche notamment une personnalité double-face, qui n’hésite pas à critiquer et remettre en cause l’appareil monarchique marocain lors des rassemblements du PJD. En cause également, les indiscrétions répétées de Benkirane concernant ses entretiens avec Mohammed VI.

Si le Premier ministre est persuadé de la victoire de son parti aux Législatives, il doit garder en tête que la Constitution n’oblige en rien le Roi à désigner le secrétaire du parti vainqueur comme chef du gouvernement. Un nouvel élément qui, ajouté au bilan négatif de Benkirane, fragilise un peu plus les chances de ce dernier pour le 7 octobre.

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