Panique à bord. Le gouvernement marocain a interdit ce jeudi l’accès du port Smir au navire néerlandais en faveur de l’avortement, Women On Waves. En guise d’accueil, la police et quelque 200 opposants.
Avorter à bord du navire néerlandais Women On Waves au Maroc est une mission quasi-impossible. La réaction du gouvernement marocain était attendue. Ce jeudi, il a interdit au « navire de l’avortement » de jeter l’ancre au port de Smir, dans le nord du royaume. Mais à la surprise générale, l’organisation a annoncé en début d’après-midi que le navire se trouvait déjà sur place. La date d’arrivée a été préalablement dissimulée afin de tromper la vigilance des autorités. Avant d’entrer pour la première fois dans un pays musulman, l’ONG, fondée par Rebecca Gomperts, avait fait escale dans trois autres pays conservateurs : l’Espagne, le Portugal et l’Irlande.
Le défi s’annonce difficile non seulement pour les militants et les médecins du navire, mais aussi pour toutes les Marocaines qui prévoyaient déjà de se rendre sur le navire pour avorter ou récolter de simples informations. Le port de Smir a été quadrillé par les forces de l’ordre pour empêcher les militants d’agir. Les journalistes, qui témoignent de la présence du navire dans la marina de Smir, ne sont pas autorisés à accéder au site.
Blocus
« Le port est totalement bloqué par des bâtiments de guerre et personne ne peut y pénétrer. Il y a beaucoup de police ici », a déclaré à la presse Marlies Schellekens, un médecin de l’ONG ayant pu débarquer. « Nous avons ouvert un numéro d’urgence afin que les femmes puissent nous appeler pour obtenir des informations sur la pilule abortive », a-t-elle ajouté. Pour rappel, l’ONG a fait le voyage à la demande du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI), une association marocaine. Malgré le blocus opéré par les autorités locales, Women on Waves (femmes sur la vague, ndlr) se dit prêt à pratiquer des avortements à bord du navire, dans les eaux internationales. Côté gouvernement, le ministre de l’Intérieur, Mohand Laenser a fait savoir qu’aucune demande n’a été transmise par les organisateurs pour obtenir la permission de se rendre au Maroc.
D’après une militante de l’ONG néerlandaise, arrivée par avion, le navire restera six jours avec l’objectif de « réaliser des opérations d’avortement les plus sécurisés possibles ». Mais pour l’heure, il n’existe aucun moyen de monter à bord du navire ou même d’y descendre. La presse locale conservatrice et les antis-avortement fustigent, depuis le début du coup de communication, l’initiative de Women on Waves. Près de 200 membres de la jeunesse du parti islamiste au pouvoir, Justice et Développement (PJD), ont manifesté jeudi matin à Smir pour « le droit à la vie ».
La loi marocaine interdit l’avortement sauf en cas de danger pour la mère. Women on Waves persiste. L’ONG assure être dans son droit, en vertu du droit néerlandais, en voulant fournir aux femmes des avortements médicaux légaux jusqu’à 6,5 semaines de grossesses en voguant dans les eaux internationales.
Quelques chiffres : L’avortement provoque la mort de centaines de Marocaines chaque année en raison de sa pratique clandestine. De plus, les conditions d’hygiène dans lesquelles elles sont opérées ne sont pas garanties pour celles qui n’ont pas de gros moyens financiers. Elles sont entre 600 et 800 femmes, selon les estimations, à avorter chaque jour et dans la clandestinité et près de 78 d’entre elles meurent chaque année. L’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin demande à ce que la loi soit élargi de sorte à autoriser l’avortement en cas de viol, inceste et malformation grave du fœtus. Selon le Code pénal marocain : L’article 449 punit de 1 à 5 ans de prison et d’une amende de 200 (18 €) à 500 dirhams (45 €) toute personne ayant provoqué, ou tenté de provoquer, un avortement avec ou sans l’accord de l’intéressée. La peine est portée à 20 ans de réclusion en cas de décès et est doublée si l’avorteur est récidiviste. Quand à celles qui avorteraient elles-mêmes, l’article 454 les punit de 6 mois à 2 ans de prison. Enfin, l’article 455 punit de 2 mois à 2 ans les complices d’un avortement, notamment les intermédiaires ou les vendeurs de produits abortifs. Les seules exceptions tolérées par la loi sont l’avortement spontané ou celui opéré lorsque la vie de la mère est en danger. |