Des milliers de personnes ont manifesté dimanche dans plusieurs villes du Maroc pour réclamer des réformes politiques et la limitation du pouvoir du roi Mohamed VI. Des incidents ont éclaté à l’issue de rassemblements à Marrakech, Larache, Tétouin et Al-Hoceima où il y aurait eu 5 morts et 118 blessés de source officielle.
Les Marocains sont à leur tour gagnés par la fièvre révolutionnaire. Près de 10 000 personnes sont descendues dans la rue ce dimanche dans plusieurs villes du royaume, dont Casablanca, Rabat et Marrakech pour réclamer des réformes démocratiques et une limitation des pouvoirs du roi Mohammed VI. « Liberté, dignité, justice », « le peuple veut le changement », scandaient-ils. C’est à Rabat, la capitale, que la mobilisation a été la plus forte avec près de 5000 participants. Ils ont répondu à l’appel lancé par le « Mouvement du 20 février » un groupe créé sur le réseau social Facebook, inspiré par les révoltes égyptienne et tunisienne. L’appel a ensuite été appuyé par des ONG ainsi que par l’organisation de jeunesse de l’association islamiste Justice et bienfaisance (Adl Wal Ihssane).
Il s’agit de la première mobilisation de grande ampleur dans le pays, depuis le début du mouvement de révolte qui souffle sur le monde arabe. Bien que, selon l’un des organisateurs du mouvement, les autorités ont mené une campagne de déstabilisation pour réduire l’ampleur de la protestation. « L’agence officielle du Maroc a annoncé que la manifestation a été annulée. Et ça a été repris par les médias officiels. Donc, nous avons tout de suite nié cette information par le biais des réseaux sociaux », a-t-il confié à RFI.
Les manifestations étaient pacifiques. Mais des heurts ont éclaté à l’issue de rassemblements à Marrakech, où un groupe de 150 à 200 personnes en marge de la mobilisation a pillé des magasins et attaqué des édifices publics, ainsi qu’un établissement de restauration rapide McDonalds, selon des sources concordantes. De même, à Larache, des jeunes s’en sont pris à un poste de gendarmerie et un poste de douane, selon plusieurs témoins. Si les forces de l’ordre ont fait profil bas dans ces deux cas, à Al-Hoceima, des échauffourées ayant éclaté, ils ont fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser les protestataires qui attaquaient un poste de police. Cinq personnes ont été retrouvées calcinées dans une banque de la ville incendiée, selon le ministre de l’Intérieur, Taib Cherkaoui. Selon lui, 118 personnes dont 115 issues des forces de l’ordre ont été blessées. Il a annoncé ce lundi à la presse l’arrestation de 120 personnes qu’il a attribué de « fauteurs de troubles », ainsi que des mineurs dont il n’a pas précisé le nombre.
La classe politique marocaine est pour le moment divisée sur la position à prendre face à ce mouvement de révolte. Des dissensions ont ainsi éclaté au sein du parti « islamiste » de la Justice et du développement (PJD). Trois de ses cadres, Mustapha Ramid, Labhib Choubani et Abdelali Hamieddine, ont démissionné suite à des divergences de point de vue sur la marche de dimanche. La jeunesse du parti aurait subi des pressions pour qu’elle ne prenne pas part à la marche. Le secrétaire général du PJD Abdellilah Benkirane aurait, selon Maghreb Intelligence, passé un accord avec le gouvernement pour la libération du prisonnier et responsable du PJD, Jamaâ Al Moâtassem, en échange de sa non participation au mouvement.
Un mouvement soutenu par le cousin du roi
Le cousin du roi, le prince Moulay Hicham, chercheur à l’université de Stanford, a apporté son soutien aux milliers de manifestants qui ont défilé hier. Il a appelé à la démocratisation du système et estime que le Maroc ne peut pas échapper à la demande qui parcourt le monde arabe. « Personnellement, j’adhère à toute initiative qui appelle à la démocratisation de notre système politique, en prenant en compte la nécessité que cela soit fait de manière pacifiste et tolérante. En l’occurrence, il semblerait que ce mouvement réunit toutes ces conditions et donc j’y adhère », a-t-il déclaré dimanche au cours d’un entretien sur la chaîne d’information France 24. Il a aussi souhaité, pour « pérenniser la monarchie », qu’il juge « légitime et culturellement ancrée », une évolution vers la monarchie constitutionnelle de type espagnole ou britannique. Le prince a rejeté tout rôle dans une éventuelle transition politique qu’il souhaite : « L’aiguillonnage oui, le pilotage cela ne me concerne pas ».
Si les slogans, dimanche, ne visaient pas directement le roi, son pouvoir pourrait bien être ébranlé par ce mouvement de contestation.
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