Un prisonnier marocain est décédé mardi suite à une grève de la faim qui a duré 56 jours. Il clamait son innocence et réclamait l’ouverture d’une enquête. Jointe par « Afrik.com », l’Association marocaine des droits humains accuse la justice d’être responsable de la mort de cet homme. Explications.
Ce détenu aura tenu 56 jours sans manger depuis la prison de Béni Mellal, au nord de Marrakech. Condamné à la perpétuité, Abdelati Zouhri avait entamé une grève de la faim le 13 mai dernier afin de protester contre sa condamnation. Il est décédé mardi 1er juillet « après son transfert à l’hôpital provincial », a indiqué la Délégation générale de l’Administration pénitentiaire et de la réinsertion (DGAPR) dans un communiqué relayé par la MAP.
Contacté par Afrik.com, l’Association marocaine des droits humains (AMDH) lance un jugement sans appel : « la justice marocaine est responsable de la mort d’Abdelati Zouhri ».
Youssef Raissouni, membre de la commission administrative de l’AMDH, ne comprend pas les raisons qui ont mené ce jeune détenu à la mort. « Nous avons suivi plusieurs cas de grève de la faim dans les prisons marocaines, dont certains avaient largement dépassé les 100 jours. Pourquoi est-il mort au bout de 56 jours ? Qu’a fait le personnel médical ? », s’interroge-t-il. Il réclame l’ouverture d’une enquête.
Des éléments prouveraient l’innocence d’Abdelati Zouhri
Le site d’information Milafattadla indique que Abdelati Zouhri, 32 ans, arrêté pour meurtre avec préméditation, constitution d’une bande criminelle et vol qualifié, aidait son père à vendre des sandwichs près de la gare routière de Béni Mellal. Le prisonnier a continuellement demandé l’ouverture d’une enquête sur le crime pour lequel il avait été condamné. Mais sa demande était restée vaine, et ce, même après que de nouveaux éléments pouvant prouver son innocence avaient été révélés.
Youssef Raissouni fustige l’absence de communication entre les autorités et les grévistes de la faim dans les prisons. D’autant plus qu’en 2013, trois personnes sont décédées en prison, dont deux qui étaient en grève de la faim.
Le parquet était au courant
La DGAPR affirme que le parquet a été informé de la demande du jeune détenu, dès le début de sa grève de la faim. Le parquet général l’aurait même auditionné à ce sujet. Le DGAPR a tenté de défendre sa position vis-à-vis de la mort d’Abdelati Zouhri : la prison suivait « de près l’état de santé du détenu. Il a été transféré à plusieurs reprises à l’hôpital provincial où il a bénéficié d’examens radiologiques et d’analyses médicales dont les résultats étaient des plus normaux et ne prêtaient à aucune inquiétude. » Transféré le 29 juin à l’hôpital, ce jeune détenu y restera jusqu’à sa mort.
Honneur aux prisonniers français ?
Pourtant, au mois de mai dernier, le Roi Mohammed VI en personne avait réagi à l’appel de plusieurs détenus français au Maroc qui observaient une grève de la faim. Ils réclamaient la remise en place des accords de coopération judiciaires entre la France et le Maroc, suspendus suite à une crise diplomatique, afin qu’ils soient extradés vers la France pour purger leur peine. Le souverain avait décidé, jeudi 22 mai, de « la mise en place, à titre purement exceptionnel et humanitaire, d’une Commission chargée d’examiner les cas ». Les prisonniers marocains en grève de la faim n’ont-ils pas le droit à des mesures similaires ?
Une vingtaine de prisonniers politiques en grève
Il est à noter que plusieurs nouveaux cas de grève de la faim ont été enregistrés ces dernières semaines au Maroc, dont la dernière en date est celle de neuf diplômés-chômeurs, en détention provisoire depuis trois mois. Détenus sur la base de 10 chefs d’inculpation, dont « trouble à l’ordre public », « atteinte à des forces de sécurité » et « participation à une manifestation non autorisée », ces derniers ont cessé de s’alimenter pour protester contre l’absence de procès. Leur avocat, Rachid Tass, a expliqué que leur procès est régulièrement ajourné et qu’il « n’est pas raisonnable de garder ces jeunes derrière les barreaux sans jugement ».
Au total, une vingtaine de prisonniers politiques et d’opinions observent une grève de la faim. La mort d’Abdelati Zouhri relance le débat sur les conditions de vie dans les prisons marocaines.