La normalisation des relations entre le Maroc et Israël, fer de lance de la politique étrangère du roi Mohammed VI depuis décembre 2020, se heurte à une opposition croissante au sein du royaume chérifien. Les récents sondages et événements révèlent un fossé grandissant entre la volonté royale et le sentiment populaire, mettant à l’épreuve la stratégie diplomatique du monarque.
Malgré les avantages diplomatiques et économiques escomptés, la politique de normalisation avec Israël voulue par Mohammed VI peine à convaincre son peuple. Les chiffres sont éloquents : selon les dernières enquêtes du réseau Arab Barometer présentés par nos confrères de Jeune Afrique, le soutien populaire à la normalisation des relations avec Israël a chuté de manière spectaculaire au Maroc, passant de 31% début 2023 à seulement 13% aujourd’hui.
Des silences royaux qui font parler
Le silence du roi Mohammed VI face à certains événements récents n’a fait qu’accentuer les tensions. En février 2024, lors de l’assaut des forces israéliennes contre la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, le souverain marocain, pourtant président du Comité Al-Qods, n’a émis aucune déclaration officielle. Ce mutisme, en contraste avec les réactions d’autres dirigeants arabes, a été largement interprété comme une conséquence directe de sa politique de normalisation.
La controverse a atteint son paroxysme en mai 2023, lorsqu’un navire de guerre israélien a été autorisé à se ravitailler au port de Tanger Med. Cette décision, perçue comme une coopération militaire de facto avec Israël, a déclenché une vague de protestations sur les réseaux sociaux et au sein de l’opposition politique. Le Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation a notamment qualifié cet acte de « violation flagrante de la souveraineté nationale », remettant directement en question les choix du roi.
Un pari diplomatique risqué
La poursuite de cette politique de normalisation dans un contexte d’opposition populaire croissante soulève de nombreuses questions quant à la stratégie de Mohammed VI. Si le rapprochement avec Israël a permis d’obtenir la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, il semble également creuser un fossé entre le palais royal et une partie significative de la population. Certains considèrent au palais que la position du roi pour la question du Sahara tourne à l’obsession.
En effet, en novembre dernier, à l’occasion de l’anniversaire de la Marche Verte, le roi Mohammed VI du Maroc a centré son discours sur l’importance du Sahara occidental pour le pays, sans mentionner la question palestinienne, préférant mettre en avant le développement économique et diplomatique du Sahara marocain. Un discours qui n’a pas manqué de surprendre, surtout comparé à l’investissement d’Abdelmadjid Tebboune à Alger.
Pourtant, l’insistance de Mohammed VI à poursuivre la normalisation malgré l’opposition populaire pourrait avoir des conséquences à long terme sur la stabilité du régime. Comment le monarque, qui plus est fatigué par sa maladie, parviendra-t-il à concilier ses objectifs diplomatiques avec les aspirations de son peuple ? La normalisation avec Israël risque rapidement de devenir un facteur d’instabilité sociale et politique au Maroc. De la à mettre à l’épreuve l’autorité même du roi ?