L’exécutif est opérationnel depuis mardi. Sa mouture définitive a été élaborée après que le MP a décidé de claquer la porte de la majorité. Les postes qui revenaient au pôle haraki ont été dispatchés sur les trois autres partis politiques que sont l’Istiqlal, le RNI et l’USFP. La nouvelle majorité comprend donc ces trois formations et le PPS. Elle sera appuyée par le groupe parlementaire mené par Fouad Ali Al Himma et composé de près de 35 députés qui viennent d’horizons divers.
Il est incontestable que le gouvernement El Fassi aura remis la femme à l’honneur en lui accordant 7 portefeuilles contre 2 dans l’équipe sortante. Ce n’est pas encore la parité homme-femme comme en France avec Sarkozy, mais c’est déjà un exploit. Il est à remarquer que sur les 7 femmes ministres, seule Yasmina Baddou, ministre de la Santé, est une élue. Le message en direction des partis politiques est on ne peut plus clair: donner aux femmes plus de responsabilité.
Le nombre de femmes a plus que triplé
Pour la formation de son gouvernement, El Fassi aura appliqué à la lettre les instructions royales au sujet de l’ouverture à des compétences qui ne sont pas systématiquement dans les partis politiques. D’ailleurs, sur les 33 ministres que compte ce gouvernement, seuls 6 sont des élus. En tout cas, on dénombre une dizaine de technocrates. Outre les postes classiques de souveraineté, le Premier ministre a fait appel à Amina Benkhadra (Energie et Mines), Latifa Labida (secrétariat d’Etat à l’Enseignement supérieur), Ahmed Akhchichène (Education nationale) et Latifa Akharbache. Il est à préciser que, dans une première version, Amina Benkhadra a été repeinte aux couleurs du MP avant de redevenir indépendante en l’espace de 24 heures lorsque le pôle haraki a décidé de basculer dans l’opposition. Idem pour Aziz Akhenouch qui a été lui repeint à deux reprises : d’abord aux couleurs du MP, puis du RNI pour occuper le poste de ministre de l’Agriculture.
Le recours aux technocrates est sûrement une réponse au taux élevé d’abstention (63%) lors des dernières élections législatives. Ils bénéficient souvent d’une popularité confirmée dans leur domaine. C’est ainsi que Nawal Al Moutawakil, choisie comme ministre de la Jeunesse et des Sports, également repeinte aux couleurs du RNI, a acquis ses titres de noblesse au niveau international. Son action en tant que membre dirigeant du Comité international olympique a été très appréciée.
Le choix d’un technocrate à la tête de l’Education nationale est dicté par la volonté de réformer ce secteur, érigé en priorité par le Souverain. La prestation des différents ministres politiques qui se sont succédé à la tête de ce département n’a pas été à la hauteur des attentes. Si Ahmed Akhchichine est technocrate, il dispose néanmoins d’une dimension politique pour avoir été membre du «mouvement du 23-Mars». Ce capital lui permettra de conduire le changement sans calcul politicien pour faire plaisir à tel ou tel syndicat. Sa proximité avec Abdelaziz Méziane Belfkih, conseiller du Souverain, lui sera d’une grande utilité dans la gestion de ce gigantesque projet.
Le RNI favorisé par la prime à la démocratie
Il est incontestable que le RNI a été bien servi cette fois-ci. Le parti obtient des ministères de poids (Finances, Agriculture, Tourisme…) et la présidence de la Chambre des représentants, confiée à Mustapha Mansouri. C’est un message clair aux autres formations pour les encourager à suivre l’exemple du RNI, qui a procédé au changement de président d’une façon démocratique et sans tomber dans les travers classiques des scissions. D’autres partis sont invités à entamer un travail de réforme en interne pour renouveler leurs élites et reconstruire des partis à la hauteur des enjeux du pays.
Il est à relever que, dans l’exécutif installé par le Souverain, Mohamed El Yazghi, ministre d’Etat sans portefeuille, est le seul à dépasser le cap des 10 ans au gouvernement. Le premier secrétaire de l’USFP y est depuis mars 1998. La pression exercée par l’USFP au cours des tractations aura donné ses fruits. Le parti s’est retrouvé avec 6 postes ministériels au lieu de 4. Mais il allait commettre encore une fois l’erreur de ne pas chercher à renouveler son élite. L’effort d’ouverture du parti entamé depuis plus d’une année n’aura pas servi à grand-chose, peut-être pour permettre aux anciens de rempiler. Cependant, on leur a imposé de nouvelles têtes comme Ahmed Chami, ministre du Commerce, de l’Industrie et des Technologies modernes, ou encore Touriya Jabrane à la Culture.
Al Himma, le joker de la majorité
En moins de deux mois, Fouad Ali Al Himma est devenu le pivot de l’échiquier politique.
Début août, le puissant ministre délégué à l’Intérieur démissionnait de son poste pour se lancer dans la politique, provoquant un séisme dans la classe politique. Voulant briguer un siège le 7 septembre dans sa région, Rhamna, il crée la grande surprise, puisque sa liste rafle les trois sièges que compte cette circonscription. C’est une première dans les annales politiques.
Aujourd’hui, Fouad Ali Al Himma a constitué un groupe parlementaire avec près de 35 députés venant d’horizons divers (notamment Al Ahd et le PND). C’est en s’appuyant sur le soutien de ce groupe qu’Abbas Al Fassi a pu constituer sa majorité sans le MP. Ainsi, Fouad Ali Al Himma est devenu le joker de la majorité. Mais, revers de la médaille: le sort politique de ce gouvernement sera entre ses mains.
Mohamed Chaoui, pour L’Economiste
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