Des militants marocains des droits de l’Homme se sont regroupés mercredi devant l’ambassade de France à Rabat pour protester contre la manière dont les autorités françaises délivrent les visas aux Marocains. Une façon de marquer l’anniversaire du 40ème jour du décès de Aïcha Mokhtari, morte sans avoir pu décrocher le précieux sésame pour aller soigner son cancer en France, au bout d’un an et demi de procédures.
Après le deuil, la colère. Devant l’ambassade de France à Rabat, une trentaine de personnes s’étaient rassemblées mercredi pour faire entendre leur courroux, au 40ème jour du décès de Aïcha Mokhtari, une citoyenne marocaine ordinaire morte le 15 août dernier à l’âge 62 ans sans avoir pu décrocher son visa auprès du consulat français de Fès pour aller soigner son cancer des os en France. Au terme d’un an et demi de procédures vaines et de recours désespérés. Victime d’une erreur administrative, apparemment une confusion avec une homonyme algérienne « blacklistée » sur le fichier informatique centrale de Schengen, elle et ses proches n’ont pu venir à bout de l’entêtement des autorités françaises, rechignant jusqu’à la fin à réexaminer son dossier.
Demande refusée sans motif
Atteinte d’une maladie rare au genou, Aïcha Mokhtari constitue un dossier de prise en charge à l’étranger dûment certifiée par les autorités sanitaires marocaines, en novembre 2007, après deux interventions chirurgicales infructueuses à Oujda et à Casablanca. En avril 2008, alors que les frais des examens médicaux en France sont déjà payés et sa prise en charge assurée, sa demande de visa est refusée. Sans motif. C’est le début du calvaire pour Aïcha et ses proches, dont son frère Abdelaziz qui tente l’impossible pour la sauver.
Adbelaziz Mokhtari sollicite les médias, multiplie les recours administratifs et écrit à la quasi-totalité des ministres français : François Fillon, Brice Hortefeux, Rama Yade, Fadela Amara, Jean-François Coppé, Rachida Dati, Bernard Kouchner, Michelle Aillot-Marie et jusqu’au président Sarkozy sont interpellés sur le cas Aïcha Mokhtari. Les réponses varient peu. Tous transmettent la requête à Brice Hortefeux, alors ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale. Le 28 juillet 2008, le verdict tombe : une demande de visa faite par Aïcha Mokhtari en Algérie a déjà été traitée et refusée. Le lieu, la date ne correspondent pas. Alertée, la sénatrice Alima Boumediene-Thiery introduit une demande d’information auprès l’ambassade de France à Oran. Réponse : « Nous avons uniquement Mme Mokhtari Aïcha née le 03/10/1932 à Khadra Mostaganem qui a fait l’objet d’un refus par notre service – aucun dossier par contre sous le nom de Mokhtari née le 27/04/1942 et Mokhtari née le 01/11/1957 », indique dans un mail une employée des services consulaires. « La demande de Aïcha n’a même pas été introduite au fichier informatique central du ministère des Affaires étrangères », s’insurge la frère de la défunte, joint par Afrik.com. « Au Maghreb, c’est la politique des quotas qui est pratiquée par les Consulats français, nous explique Athmane Douidi, assistant de Boumediene-Thiery. Tous les dossiers ne sont pas traités sur le fond ». La demande de Aïcha Mokhtari est en fait passée à la trappe.
Le Consul général de France à Fès, Bertrand Lavezzari, a été démis de ses fonctions la semaine dernière, apprend-t-on de sources proches de l’institution. Dans la discrétion, sans que la France ne reconnaisse une quelconque responsabilité. Abdelaziz ne compte pas en rester là. Pour « rendre justice » à sa sœur, Il envisage d’entamer des poursuites judiciaires en France, « peut-être contre Sarkozy lui-même ».
Humaniser la politique des visas
« C’est de la non-assistance à personne en danger », s’est indignée
Khadidja Ryadi, présidente de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH), initiatrice de la manifestation de mercredi devant l’ambassade de France à Rabat. Dans la foulée, elle a organisé un débat au cours duquel « des hommes d’affaires qui ratent des rendez-vous importants, des étudiants privés d’études, des chercheurs passés à côté d’une carrière, des malades privés de soins, des gens qui ne peuvent pas rendre visite à leur famille » étaient venus dénoncer « les abus » de la politique française de délivrance des visas. Une politique à « humaniser ». D’urgence.