La justice ibérique estime recevable une plainte pour génocide déposée par des organisations humanitaires sahraouies contre des personnalités marocaines, a annoncé ce mardi le quotidien espagnol El Mundo. Au même moment, le Premier ministre espagnol et son homologue marocain tenaient un sommet à Rabat où il a été question d’un nouveau plan chérifien d’autonomie du Sahara occidental.
Driss Basri devra-t-il un jour rendre des comptes devant la justice espagnole ? Mardi, une source judiciaire a confirmé à l’AFP que le parquet de l’Audience nationale, la plus haute instance pénale espagnole, a demandé au juge Baltasar Garzon d’instruire une plainte pour génocide au Sahara occidental déposée contre 32 responsables marocains. Parmi eux, Driss Basri, l’indéboulonnable ministre de l’Intérieur d’Hassan II et des « années de plomb ». La nouvelle avait été révélée ce même mardi par le quotidien El Mundo, alors que s’ouvrait à Rabat la 8e Haute commission de coopération maroco-espagnole, un sommet qui a lieu une fois par an dans l’un des deux pays.
Les crimes mentionnés sur la plainte portent sur des cas de « génocide, torture, kidnappings et disparitions pratiquées par le Royaume du Maroc contre le peuple sahraoui ». Elle a été déposée en septembre 2006 par cinq associations de défense des droits humains et l’avis du parquet remonte au 5 décembre. Baltasar Garzon, qui s’est rendu célèbre en 1998 en lançant un mandat d’arrêt contre l’ex chef d’Etat chilien Augusto Pinochet, en vertu du principe de juridiction universelle, reconnu en Espagne, n’a pas encore décidé s’il allait instruire l’affaire. Il aurait demandé aux plaignants de préciser leurs griefs et n’a pas encore reçu de réponse. Ces derniers dénoncent « le plan systématique d’élimination du peuple sahraoui mis en œuvre de manière organisée et hiérarchisée » et recensent les noms de 206 personnes disparues entre 1975 et 1980, selon El Mundo.
Le plan d’autonomie considéré avec intérêt
De cela, il n’a officiellement pas été question à Rabat, où Jose Luis Rodriguez Zapatero, le Premier ministre espagnol, a rencontré son homologue Driss Jettou avant de s’entretenir avec le roi Mohammed VI. Les autorités chérifiennes ont néanmoins exposé les grandes lignes de la proposition d’autonomie sous souveraineté marocaine qu’elles entendent présenter en avril prochain au Conseil de sécurité de l’ONU.
Les indépendantistes du Front Polisario l’ont déjà déclaré « nul et non avenu ». Mais « la partie espagnole a accueilli cette proposition « avec intérêt ». Elle « considère qu’elle pourrait déclencher une nouvelle dynamique de dialogue pour surmonter l’impasse actuelle et progresser sur cette base pour parvenir à une résolution de ce différend qui assure le principe de l’autodétermination », indique la déclaration finale du sommet.
Une formule qui ménage la chèvre et le chou. En Algérie, El Watan estime que « M. Zapatéro donne l’impression de ne pas avoir dit aux Marocains ce qu’ils voulaient entendre. En d’autres termes, un soutien sans réserve à leur plan. » Pour le quotidien, qui défend le principe d’autodétermination du peuple sahraoui, Zapatero réaffirme la légalité représentée par « l’ONU, qui se heurte au blocage marocain pour appliquer son propre plan ».
La MAP (Maghreb arab press, agence de presse marocaine) reprend simplement les termes selon lesquels l’Espagne a fait part de son « intérêt », alors qu’ El Pais titrait mardi soir sur Madrid qui « accepte le plan marocain sur le Sahara comme base de dialogue », précisant que Zapatero le qualifie de « bonne opportunité ».