
Les opérations de démolition validées par le palais royal à Rabat ont provoqué une vague d’indignation parmi les habitants de la capitale marocaine, ainsi que des critiques de la part de certains membres du Conseil municipal. Au cœur de cette tempête, la maire de la ville, Fatiha El Moudni, a pris la parole pour tenter d’expliquer les raisons de ces démarches et apaiser les tensions qui en résultent.
Démarches relatives aux expropriations scrupuleusement suivies
Lors d’une conférence de presse organisée au siège du Conseil municipal, Fatiha El Moudni a défendu les actions entreprises par la municipalité, sur ordre du roi Mohammed VI. L’élue affirme qu’elles s’inscrivent dans un projet plus large d’aménagement urbain visant à transformer Rabat en une ville plus moderne et attractive. Selon elle, ces démolitions font partie d’un plan stratégique qui, tout en respectant le cadre légal, entend améliorer la qualité de vie dans la ville et attirer davantage d’investissements, de touristes.
Ces travaux, selon elle, vont renforcer la position de Rabat en tant que capitale administrative et culturelle. Elle a ainsi insisté sur le respect des normes légales et a précisé que les décisions prises ne concernaient pas uniquement une certaine classe sociale, mais bien l’ensemble des habitants de la ville. Fatiha El Moudni a également réfuté les accusations d’abus de pouvoir formulées par les opposants à ces mesures. Elle a souligné que toutes les démarches relatives aux expropriations pour cause d’utilité publique avaient été scrupuleusement suivies.
Dénonciation de la procédure d’évacuation et des conditions d’expropriation
Ces opérations touchent des résidents des cinq arrondissements de Rabat, sans distinction de statut social. L’objectif, selon la maire, reste de moderniser les infrastructures de la ville et de contribuer à un développement durable, en respectant les droits des citoyens. Cependant, cette position n’a pas suffi à calmer les esprits. Un groupe d’opposants au sein du Conseil municipal, appartenant à la Fédération de la Gauche Démocratique (FGD), ainsi que des résidents et commerçants touchés par ces démolitions, ont exprimé leur mécontentement.
Ils remettent en question la légalité de ces opérations, notamment la procédure d’évacuation et les conditions d’expropriation. Selon les membres de la FGD, ces démarches ne reposent sur aucun fondement juridique valable, car les habitants concernés détiennent des documents de propriété et n’ont pas été informés d’un décret d’utilité publique justifiant une expropriation. Les conseillers de la FGD ont également déploré l’absence de transparence concernant les projets à venir sur les terrains concernés par les démolitions.
Des démolitions au vu et au su du palais royal
Ils ont critiqué le manque d’informations sur les investisseurs impliqués dans ces projets et se sont étonnés du « silence » des autorités, notamment en ce qui concerne le sort réservé aux terrains de Douar El Askar. Des rumeurs circulent comme quoi ‘ils pourraient être transformés en un terrain de golf, un projet qui, selon les opposants, représenterait un véritable scandale urbanistique dans la capitale.
De leur côté, les habitants des quartiers visés, notamment ceux de Saniat Gharbia et de l’Océan, ont dénoncé des méthodes d’évacuation qu’ils jugent abusives. Ils déplorent avoir été contraints de vendre ou d’abandonner leurs biens sous la pression, au vu et au su du palais royal qu’ils accusent d’avoir diligenté ces opérations de démolition. Ils ont qualifié les demandes d’expulsion de « chantages » et d’« abus de pouvoir ». Les commerçants du quartier de l’Océan ont également fait part de leur mécontentement. Ils ont souligné que les décisions d’expulsion étaient verbales et ne permettaient pas une négociation équitable.
Opérations pour moderniser la ville
En outre, ils critiquent le montant imposé pour l’achat des logements, fixé à 13 000 dirhams le mètre carré, une somme jugée inadaptée à la réalité de la majorité des habitants. La question du relogement a également été soulevée, notamment à Douar El Askar, où les résidents estiment que des solutions adaptées devraient être trouvées pour éviter des déplacements vers des zones éloignées, comme cela a pu être le cas par le passé avec d’autres démolitions, générant de nouvelles formes de précarité, de chômage et de marginalisation.
Les autorités municipales et les représentants du gouvernement marocain n’ont pas encore répondu de manière claire aux interrogations soulevées par ces tensions. Le projet d’aménagement urbain de Rabat, qui a été récemment publié au Bulletin officiel, accordant des pouvoirs étendus à une commission présidée par le Wali de la région, n’a pas suffi à dissiper le climat de méfiance. Alors que les autorités insistent sur le caractère légitime et nécessaire de ces opérations pour moderniser la ville, les habitants et les opposants dénoncent un manque de transparence et des pratiques qu’ils jugent contraires aux droits des citoyens.