Maroc : baisse de 65% de l’immigration clandestine


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Nouvelles politiques de contrôle aux frontières, renforcement des moyens pour contrer l’immigration… Le Maroc a décidé de radicaliser le ton en matière d’immigration. Selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, le résultat semble porter ses fruits en 2006 puisque l’immigration clandestine aurait baissé de 65% sur les quatre premiers mois de l’année comparée à la même période en 2005.

Par Louise Simondet

Le renforcement des contrôles aux frontières semble porter ses fruits au Maroc… 120 réseaux de traite d’êtres humains démantelés, 5 500 tentatives d’immigration avortées au cours des quatre premiers mois de l’année 2006… Ces chiffres, énoncés par le ministre marocain de l’Intérieur, Chakib Benmoussa, correspondent à une baisse globale de 65% de l’immigration clandestine comptabilisée sur les quatre premiers mois de l’année 2006 comparés à la même période en 2005.

Lors de son entrée en fonction, en février dernier, le numéro 2 du gouvernement avait affirmé que son département oeuvrerait pour « l’édification d’une société démocratique solidaire socialement et prospère économiquement » et a ainsi fait de la lutte contre l’immigration son cheval de bataille. Durcissement de la loi sur l’immigration, création prochaine de la Direction de la Migration et du Contrôle des frontières ainsi que de l’Observatoire de la Migration, nouveaux moyens de détection et de surveillance au niveau des frontières… Autant de mesures pour endiguer le flux des étrangers de façon irrégulière.

Un projet européen pour contrôler l’immigration

Cette politique marocaine n’est, toutefois, pas si surprenante que ça. Car le Maroc fait partie intégrante du dispositif de « contrôle de l’immigration clandestine à l’origine », initié par l’Union Européenne. « Il s’agit de faire face ensemble à ce problème qu’est l’immigration illégale », note un membre de la Direction de l’immigration et de la surveillance des frontières, organe du ministère marocain de l’Intérieur. Un projet étalé sur trois ans à partir de 2006 et qui s’inscrit dans le cadre, plus vaste, du programme européen « Routes Migratoires », dont la mise en œuvre a été confiée à l’Espagne, en collaboration avec des pays émetteurs et de transits des immigrés clandestins, et principalement le Maroc. L’action vise, grâce au soutien financier du programme communautaire AENEAS, à établir dans les pays affectés par le phénomène de l’immigration clandestine des politiques efficaces de prévention du trafic des êtres humains, à développer des relations de dialogue sur les questions migratoires avec le Maghreb et l’Afrique Subsaharienne et à appuyer et impliquer le Maroc, la Mauritanie, le Cap Vert et le Sénégal.

Les chiffres avancés par le ministère marocain de l’Intérieur répondent sans nul doute à cette volonté d’aller dans le sens de l’Union Européenne. L’aide de 40 millions d’euros promise au Maroc depuis trois ans par l’Europe afin de soutenir son combat dans la gestion des flux migratoires pourrait être aussi une des raisons de l’actuel renforcement de la politique d’immigration du pays. Selon la Direction de l’immigration, cette aide devrait arriver « le mois prochain ». Une somme certes conséquente, mais tout de même 20 fois inférieure au soutien dont bénéficie l’Espagne (800 millions d’euros).

Une politique de répression

Une autre lecture des statistiques avancées par le ministère de l’Intérieur est envisageable. Pour Hicham Rachidi, directeur de l’AFVIC (l’association des familles et
victimes de l’immigration clandestine) : « La question de l’immigration doit être vue dans sa globalité et pas seulement être axée sur le Maroc». C’est-à-dire en prenant en compte les pays de départ, de transit et d’accueil. «Si on étudie ce phénomène au niveau international… On ne voit pas une baisse conséquente des chiffres », remarque-t-il. Il regrette qu’on ne prenne pas le problème à la racine pour regarder les causes de ces départs : « Il faut se demander pourquoi ces jeunes partent», estime-t-il.

Si l’Etat marocain se réjouit des résultats enregistrés, il semblerait que ce ne soit pas toujours avec la manière. Maltraitances, brimades infligées par les policiers seraient monnaies courantes… Certaines associations humanitaires, comme l’ONG Médecins sans Frontières, qui travaillent sur le terrain, dénoncent le fait que les migrants en transit sur le territoire marocain soient malmenés suite aux nombreuses rafles. Médecin sans Frontières parle de migrants arrêtés et jugés arbitrairement sans avocat de la défense, sans interprète en arabe, langue que souvent ils ne comprennent pas… « Tout ne peut pas être blanc ou noir. Si une personne refuse de se plier à la loi, le ton se durcit. Mais il existe des règles de respect des droits des immigrants », réplique un membre de la Direction de l’immigration et de la surveillance des frontières. Celui-ci précise que ces comportements policiers sont de la « légitime défense ». Quant aux migrants qui subissent ces brutalités, il souligne que ce ne sont que « des cas isolés » et « qu’il ne faut pas généraliser ».

Pour faire le point sur ce problème et trouver des solutions, une conférence Euro-africaine sur la migration et le développement se tiendra au Maroc, les 10 et 11 juillet prochain, avec la Commission européenne, les pays du Maghreb et de l’Afrique occidentale et centrale. « La déclaration du ministre marocain de l’Intérieur est à mettre en perspective de cette conférence. Le Maroc prépare le terrain… », explique Hicham Rachidi, directeur de l’AFVIC. Il ajoute que « L’objectif principal du Maroc est de devenir une plateforme de développement et a donc tout intérêt à se montrer comme un pays qui respecte ses engagements ». En attendant ce sommet, les vagues de migrants, toujours aussi décidés, continuent de déferler à la frontière…

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