Baignés dans l’espoir et l’illusion, beaucoup d’Africains tentent l’aventure vers l’Europe ou encore l’Asie. Mais la réalité est toute autre. Désormais, ce sont les migrants et les réfugiés bloqués aux frontières entre le Maroc et l’Algérie sur lesquels les regards sont braqués. Un rapport accablant du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme, intitulé « Bloqués à la frontière : des migrants et réfugiés entre désert et hostilité », dénonce l’attitude de ces deux pays dans le traitement affligés aux migrants et aux réfugiés.
Ils cherchèrent le paradis, ils trouvèrent l’enfer. Nombreux sont ces migrants et réfugiés, en partance d’Afrique subsaharienne, à vouloir tenter l’eldorado européen – un eldorado en crise – et à ne finalement trouver comme refuge que le désert et l’hostilité. Plateformes de transit, le Maroc et l’Algérie sont une fois de plus pointés du doigt, cette fois-ci par le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (Remdh). L’ONG dénonce la conduite de ces deux pays dans le traitement des migrants d’Afrique subsaharienne bloquées aux frontières maroco-algériennes dans des conditions « lamentables ». « Le manque d’hygiène, la malnutrition et les conditions d’hébergement insalubres portent gravement atteinte à l’intégrité physique de cette population bloquée à la frontière », indique le long rapport de l’ONG.
Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) d’autres migrants vivent cette même situation mais dans le dans le no man’s land, entre la frontière sud du Sahara Occidental et la frontière nord de la Mauritanie. « On a appris qu’il y avait une quarantaine de personnes bloquées à ces frontières dont au moins deux demandeurs d’asile, peut-être plus, déclare Marc Fawe, chargé des relations extérieures du HCR au Maroc. On a saisi les autorités par courrier afin qu’elles fassent le nécessaire pour aider ces personnes à retourner au Maroc ou à faciliter leur transfert vers la Mauritanie pour ceux qui le souhaitent. »
Les migrants bloqués aux frontières feraient l’objet d’abus, notamment de la part des forces de police. Des faits « rarement dénoncés » par crainte d’être expulsés. Les premières victimes, d’après le Réseau Euro-Med, sont les femmes et les enfants non accompagnés. L’ONG a constaté « avec inquiétude » comment ceux-ci sont exposés aux risques d’agression. De plus, « le suivi médical des femmes enceintes et l’accès des enfants à l’éducation font aussi gravement défaut », fait remarquer Remdh.
Ping-pong migratoire
Côté marocain, on renvoi « systématiquement » les clandestins vers les zones frontalières et dans des « conditions déplorables ». L’ONG va plus loin et accuse les autorités marocaines à détenir arbitrairement ces migrants dans des postes de police avant de les expulser. « Les mineurs non accompagnés et les femmes enceintes qui souffrent de violences physique et psychologiques et de déshydratation » ne font pas exception à la règle. Chez le voisin algérien, les conditions de vie ne sont nec plus ultra. L’accès aux soins de santé est quasiment inexistant. Elles ne reposent que sur la bonne volonté des Marocains issues de la société civile.
Les demandeurs d’asile, en quête d’une vie meilleure, risquent eux aussi le retour à la case départ « en l’absence d’une procédure claire de détermination de statut de réfugié et de la présence limitée du HCR dans les deux pays », précise le rapport. La situation n’est pas prête de changer car « en dépit de la fermeture de la frontière en 1994, l’axe Maghnia-Oujda reste une voie de transit importante entre l’Afrique subsaharienne et l’Asie d’une part et l’Europe d’autre part. » Les expulsions ne sont donc que symboliques, car tôt ou tard ces mêmes réfugiés et migrants et d’autres encore tenteront de nouveau leur passage en force vers l’Europe et l’Asie. Sans changement de politique, ces populations bloquées à la frontière ne cesseront de servir de balle de ping-pong à l’Algérie et au Maroc. Et cette situation « n’est qu’un exemple parmi d’autres de la façon dont les droits des migrants et de réfugiés sont violés au quotidien dans la région euro-méditerranéenne ».
Le Réseau Euro-Med appelle les autorités locales, européennes et la communauté internationale à réagir expressément en faisant valoir « leurs obligations internationales de protéger et de promouvoir les droits humains des migrants, réfugiés et demandeurs d’asiles ».