Le collectif marocain contre la peine de mort a, une fois de plus, appelé le gouvernement à abolir la peine capitale. Aucune exécution n’a été appliquée depuis 1993. Alors pourquoi le royaume tient-il à conserver une telle loi ?
111. C’est le nombre de détenus marocains actuellement en transit dans les couloirs de la mort. Le collectif marocain contre la peine de mort a, une nouvelle fois, exprimé son refus de laisser ces détenus être exécutés à n’importe quel moment. Une conférence de presse sur « le moratoire de l’ONU sur l’application de la peine de mort » a été organisée en ce sens mardi dernier à Rabat. Le collectif, coordonné par l’avocat Abderrahim Jamaï, exige le retrait pur et simple de la peine capitale des textes de loi. « Ces deux dernières années, nous avons participé à deux rencontres internationales. Depuis, le Maroc n’a toujours pas bougé ! », targue Abderrahim Jamaï, par ailleurs secrétaire général de l’observatoire marocain des prisons. Il y a eu un projet de moratoire en 2007 aux Nations Unies pour l’abolition de la peine de mort, puis en 2008, en 2009 et en 2010. Les barbus au pouvoir en Tunisie ont voté pour alors que nos barbus n’y sont pas favorable ».
Au royaume chérifien, il n’y a plus eu, officiellement, d’exécution depuis 1993. Pourquoi le palais s’entête-t-il à préserver cette loi inerte ? La raison est simple, selon Jamaï. « Il y a toujours une volonté de tuer. Si le ministre marocain de la Justice, Mustapha Ramid, se réveille un beau matin avec l’idée d’exécuter les 111 détenus condamnés à la peine de mort, il est en droit de le faire car c’est la seule personne habilitée à donner son feu vert. » Cette loi, c’est du « bla bla » tout ça pour ne pas « déstabiliser » la question religieuse. « Pourtant nous ne demandons pas d’abolir la peine de mort dans le Coran, nous souhaitons simplement abolir les lois négatives qui figurent dans le Code pénal », argumente le coordinateur du collectif composé de onze ONG. Celles-ci souhaitent « sensibiliser les acteurs politiques, les institutions tel que le Parlement » à s’investir davantage et à présenter des propositions de loi. Joint par Afrik.com, les cabinets du Premier ministre, Abdelilah Benkirane, et du ministre de la Justice, Mustapha Ramid, n’ont pas daigné apporter de commentaire à ce sujet. Ce qui n’étonne pas notre contact Abderrahim Jamaï. Le gouvernement n’a toujours « pas répondu à notre appel, il se tait ».
« Maroc m’a tué »
La dernière exécution d’un condamné marocain a eu lieu en 1993 avec l’affaire Tabit. L’histoire d’un « super-flic » trempé dans la politique, le sexe et la violence. Le plus gros scandale venu éclabousser les « bonnes » mœurs du petit royaume, à l’époque, de feu Hassan II. Le jugement est rendu le 15 mars 1993. Mohamed Mustapha Tabit, puissant commissaire, est condamné à la peine de mort pour « attentat à la pudeur, défloration, viol avec violence, rapt et séquestration d’une femme mariée, actes de barbarie et incitation à la débauche ». Il est fusillé le 5 septembre de la même année. Presque vingt ans après sa mort, l’affaire Tabit ressurgit à chaque fois que l’on aborde le thème de la peine de mort au Maroc.
Et de fait. Il subsiste encore des questions pour lesquelles aucune réponse n’a jamais été apportée. Un enregistrement, le numéro 32, impliquant des personnalités politiques de premier plan, n’a pas été retenu parmi les pièces à conviction. Et dès lors que Tabit demandait le visionnage de cet enregistrement, la Cour levait les séances. Pourquoi a-t-il été excessivement torturé alors que Tabit reconnaissait, en grande partie, les faits qui lui étaient reprochés ? D’autant plus que les pièces à conviction se trouvaient en possession des enquêteurs. Pour quelle raison la famille – injustement stigmatisée – n’a-t-elle pas été autorisée à rendre visite à leur proche la veille la mort de Tabit ? Tant d’interrogations qui restent à ce jour en suspens. Le principal suspect et témoin de cette affaire hors norme a été tué en 1993.
« Il s’agissait d’un procès inéquitable. On a condamné à mort un homme dans le cadre d’un procès expéditif, accuse Abderrahim Jamaï. C’est un scandale et une honte pour le Maroc ! Aujourd’hui, nous nous battons pour que ce genre d’exécution ne se reproduise plus jamais dans le royaume ».