Dans une manœuvre qui aurait semblé impensable il y a quelques années, le Rassemblement national et le Maroc viennent de franchir une nouvelle étape. Le parti de Marine Le Pen a obtenu, le 13 janvier, la présidence convoitée du groupe d’amitié France-Maroc à l’Assemblée nationale. Un coup politique qui s’inscrit dans une série d’alliances surprenantes du royaume chérifien.
Le rapprochement avec le RN n’est que le dernier épisode d’une stratégie diplomatique marocaine particulièrement pragmatique. En 2021, le royaume avait déjà créé la surprise en normalisant ses relations avec Israël. Cette alliance, scellée par la visite du ministre de la Défense Benny Gantz à Rabat, a rapidement pris une dimension militaire concrète : radars de dernière génération, drones de pointe, systèmes anti-missiles et modernisation de la flotte aérienne marocaine.
Dans ce contexte, l’alliance du Maroc avec le RN prend une autre dimension. Le parti d’extrême droite français, qui s’affiche comme pro-israélien depuis quelques années, se trouve ainsi aligné avec les nouveaux axes diplomatiques de Rabat. Une convergence qui n’a rien de fortuit et qui illustre la capacité du Maroc à tisser des alliances apparemment contradictoires pour servir ses intérêts.
URGENTLe groupe d’amitié France-Maroc à l’Assemblée nationale passe sous la présidence du Rassemblement National. pic.twitter.com/ludT3d3XQz
— Adnane Filali (@AdnaneFilalitv) January 13, 2025
Les contradictions assumées d’une diplomatie opportuniste
L’ironie de la situation n’échappe à personne : alors même que le RN continue ses attaques contre des personnalités franco-marocaines, il tente de tisser des liens avec le pouvoir de Mohammed VI. Cette schizophrénie politique fait écho à la propre stratégie du Maroc qui parvient à maintenir des relations tant avec les soutiens d’Israël qu’avec les défenseurs de la cause palestinienne.
Le silence du palais royal face à ces contradictions ne manque pas d’interpeller. Mohammed VI semble avoir fait le choix d’une diplomatie parfaitement adaptable, quitte à créer des situations inconfortables pour ses soutiens. Cette approche, si elle peut sembler cynique, révèle surtout l’ambition du souverain et de ses proches de hisser son pays au rang de puissance régionale incontournable.
Des alliances qui inquiètent
Cette multiplication d’alliances stratégiques soulève des inquiétudes, notamment en Espagne, où l’on observe avec appréhension le renforcement militaire marocain près des enclaves de Ceuta et Melilla. La capacité du Maroc à jongler entre des partenaires aux intérêts divergents – Israël, France, États-Unis, Turquie, Émirats arabes unis – questionne sur la stabilité à long terme de ces arrangements. Comme dit un proverbe, « A trop charger la barque elle finit par couler« .
Pour le RN comme pour le Maroc, ce rapprochement représente un pari risqué. Le parti de Marine Le Pen pourrait voir sa crédibilité entamée par cette alliance avec un pays qu’il a longtemps critiqué. Quant au Maroc, sa stratégie d’alliances tous azimuts pourrait finir par créer des tensions difficiles à gérer entre ses différents partenaires. Et une rupture entre les élites et la population n’est pas loin. De même, la diaspora marocaine en France se trouve particulièrement déstabilisée par ces choix diplomatiques qui défient toute logique idéologique.
Cette realpolitik moderne, symbole d’une diplomatie débarrassée de tout carcan idéologique, pourrait bien être le prélude à une reconfiguration plus large des relations internationales, où les alliances se font et se défont au gré des intérêts immédiats, sans considération pour les contradictions qu’elles engendrent.