L’Association de Défense des Intérêts Moraux d’Anciens Détenus (Adimad) a érigé une stèle à la mémoire de membres de l’Organisation Armée Secrète (OAS), à Marignane, dans le Sud de la France. Son inauguration, prévue mercredi, a été interdite par le préfet et les associations de droits de l’homme s’insurgent de cette énième gratification aux nostalgiques de l’Algérie française.
L’Association de Défense des Intérêts Moraux d’Anciens Détenus (Adimad) a érigé une stèle à la mémoire d’anciens activistes de l’Organisation Armée Secrète (OAS[[<*>L’OAS, fondée en 1958 par des généraux français, est un mouvement clandestin et terroriste qui s’est appuyé sur la violence pour tenter de conserver l’Algérie française. Ses anciens membres bénéficient de la loi d’amnistie de 1982.]]) dans le cimetière Saint-Laurent-Imbert de Marignane (Bouches du Rhône, sud de la France). Jean-François Collin, président de l’Adimad et conseiller municipal Front National d’Hyères, dans le Var, explique : « Les morts de l’Algérie française sont des morts de seconde zone alors que les autres sont exaltés ! »
Encouragé par la loi du 23 février 2005 qui met en avant le « caractère positif de l’expérience coloniale de la France en Afrique du Nord », il a voulu une célébration médiatisée. Et il a réussi. Car sur la stèle, se trouvent quatre noms « sensibles » parmi les 105 anciens combattants : Roger Degueldre, chef des commandos Delta, qui a organisé l’assassinat à Alger des 6 inspecteurs des centres socio-éducatifs dont Mouloud Feraoun (mars 1962). Ses subordonnés, Albert Dovecar et Claude Piegts, meurtriers du commissaire central d’Alger Roger Gavoury (mai 1961), et Jean-Marie Bastien-Thiry, auteur de l’attentat manqué du Petit-Clamart contre le Général De Gaulle (août 1962). Tous ont été condamnés à mort par la cour militaire et fusillés en 1962 et 63. Autre point « fort » : le 6 juillet, date choisie pour la commémoration, est aussi la date anniversaire de l’exécution de Degueldre.
Cérémonie interdite
L’érection d’une stèle aux morts de l’OAS n’est pas une première. D’autres ont eu lieu en 1980 à Toulon en présence de Jean-Claude Gaudin (actuel maire de Marseille), à Téoule-sur-mer en 2002 et devant 1 500 personnes à Perpignan en 2003. Mais, cette fois-ci, la cérémonie d’inauguration, qui devait avoir lieu mercredi 6 juillet, a été interdite par Thierry Frémont, préfet des Bouches du Rhône, « pour cause de risque de trouble à l’ordre publique ».
En dépit de l’interdiction, 600 personnes étaient présentes devant le cimetière, parmi lesquelles Ali Bouallem, défenseur de la cause harkie et des « patriotes de toutes confessions ». Mais elles n’ont pu déposer leurs gerbes, l’accès étant bloqué par les CRS . Les fleurs ont été laissées devant les grilles. Des insultes ont alors été échangées avec un petit nombre de contre-manifestants également présents. Un recueillement à titre individuel sera possible les jours suivants. Daniel Simonpiéri, le maire (divers droite, ex-MNR, extrême droite) qui avait accordé l’emplacement de la stèle, n’était pas présent.
Les associations montent au créneau
« Honorer des assassins, c’est faire l’éloge de leurs crimes. » C’est la position que défend la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen (LDHC) en la personne de son vice-président, l’historien Gilles Manceron, présent mercredi 6 juillet devant le cimetière Saint-Laurent-Imbert de Marignane. A l’initiative de plusieurs associations, un rassemblement de protestation comptant une centaine de personnes s’est tenu le mercredi soir dès 18 heures sur le parvis de la mairie. Le Mouvement contre le Racisme et l’Amitié entre les Peuples (Mrap) a fait un appel au Premier ministre, Dominique de Villepin, afin que « les stèles de la honte soient retirées ».
La LDHC, avec le Mrap de Mouloud Aounit et la Fédération nationale des anciens combattants d’Algérie, du Maroc et de la Tunisie (Fnaca), compte parmi les associations qui ont manifesté de longue date leur opposition au projet de l’Adimad. Contacté, M. Marek, président de la Fnaca, affirme avoir vainement écrit à deux reprises à Nicolas Sarkozy, président de l’Union pour la majorité présidentielle (UMP, parti gaulliste), pour faire interdire une initiative « dangereuse pour les traités d’amitiés entre la France et l’Algérie ». La réponse du Président Jacques Chirac, alerté dès décembre, a, quant à elle, été jugée « passe-partout », et comme une fin de non-recevoir.
La République : yeux bandés… bouche cousue
Où sont passés les fils de De Gaulle ? Surprenant mutisme dans la classe politique française. Discrétion étonnante dans les rangs de ceux qui d’habitude se réclament avec force et panache du gaullisme, profitant ainsi de l’aura charismatique du personnage le plus admiré des Français. L’idée d’honorer publiquement le nom de Jean-Marie Bastien-Thiry, condamné à mort après un attentat contre la personne de l’illustre général-président, aurait dû provoquer une levée de boucliers, au moins au sein de l’UMP, parti majoritaire, vivier attitré de fils spirituels. Silence d’autant plus troublant quand l’un des actes de réconciliation entre Paris et Alger est le scrupuleux respect d’un passé douloureux.
L’ambiguïté des officiels français se retrouve encore dans la réaction de Thierry Frémont, préfet des Bouches du Rhône, qui n’a signé l’arrêté d’interdiction d’inauguration qu’à la date du 5 juillet à 21 heures. La cérémonie devant se tenir le lendemain, la stèle était déjà érigée… Répondant depuis Marignane, Mouloud Aounit constate qu’« il y a un très mauvais vent qui souffle sur la France ». Le président du Mrap s’indigne du « clin d’œil fait aux électeurs du Front National que les pouvoirs publics caressent dans le sens du poil ». Se référant à la loi du 23 février 2005, Monsieur Aounit perçoit dans la réserve des politiques « une stratégie délibérée au plus haut niveau de l’Etat de la réhabilitation du colonialisme ».
Par Alix Koffi