Entre résistance et mélodie, le FIPADOC dévoile l’histoire de Mariem Hassan, icône de la musique sahraouie dont la voix puissante a porté pendant plus de quatre décennies les espoirs d’un peuple en quête de liberté.
Le Sahara occidental, vaste territoire de 266 000 kilomètres carrés pour environ 600 000 habitants, demeure pour la dernière colonie d’Afrique. Suite au retrait précipité de l’Espagne en novembre 1975 et au retrait de la Mauritanie en 1979, le Maroc a pris le pouvoir dans le pays face au Front Polisario, qui lutte pour l’autonomie du peuple sahraoui soutenu par l’Algérie, dans un conflit qui perdure. Cette situation post-coloniale complexe a engendré l’exode de milliers de Sahraouis vers les camps de réfugiés de Tindouf, en Algérie.
Une artiste façonnée par l’exil
Née en 1958 à Ued Tazua, près de Smara, Mariem Hassan incarne cette histoire tourmentée. Initiée dès son plus jeune âge aux chants traditionnels hassani par sa grand-mère, elle développe un style unique mêlant la haul (blues du désert) aux rythmes contemporains. Son premier groupe, Shahid El Hafed, formé dans les camps de réfugiés, devient rapidement la voix musicale de la résistance. Ses albums phares, notamment « Deseos » (2005) et « El Aaiun Egdat » (2012), témoignent de sa capacité à raconter la douleur de l’exil avec une force créatrice puissante.
Dans la tradition sahraouie, la musique occupe une place centrale, particulièrement portée par les voix féminines. Les chanteuses, appelées « iggiw », sont les gardiennes d’un patrimoine musical riche où se mêlent poésie hassanie et mélodies traditionnelles. Mariem Hassan s’inscrit dans cette lignée tout en la modernisant, ouvrant la voie à une nouvelle génération d’artistes comme Aziza Brahim ou Tekber mint Daf. Sa contribution a permis de préserver et de faire évoluer les formes musicales traditionnelles comme le hawl, le bleila et le galb.
Un documentaire pour l’Histoire
Le documentaire Haiyu – Rebel Singer Mariem Hassan and the Struggle for a Free Western Sahara met en lumière son parcours intimement lié à celui du Sahara occidental à travers des images d’archives rares et un point de vue inédit, celui des Sahraouis eux-mêmes. Lors de sa projection au FIPADOC, une grande partie du public découvrait pour la première fois cette réalité méconnue. À la fin de la séance, les applaudissements ont salué la puissance du récit et la qualité du travail réalisé par le collectif de quatre réalisateurs, dont Mohamedsalem Werad.
Werad, cofondateur de la plateforme Sahara Voice, explique chez nos confrères de RFI que « le Sahara occidental reste une colonie en raison du soutien international dont bénéficie le Maroc pour maintenir son occupation et exploiter ses ressources naturelles« . Une accusation forte qui vise tant l’Union Européenne ,qui importe massivement des ressources halieutiques ou des légumes, au grand dam des agriculteurs européens, que le président Emmanuel Macron qui vient de reconnaitre la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en échange d’une part des ressources. Ce documentaire, fruit de dix années de travail, a nécessité des recherches intenses malgré des moyens limités. Passant outre les obstacles, il a réussi à donner une visibilité inédite à la lutte sahraouie à travers la musique et l’engagement artistique de Mariem Hassan.
Une mémoire en résistance
L’influence de la chanteuse perdure aujourd’hui. Son œuvre continue d’inspirer et de redonner espoir aux Sahraouis, qui trouvent dans sa musique un refuge et une source d’énergie pour poursuivre leur combat. Son dernier message, enregistré peu avant sa disparition en 2015, résonne comme un testament artistique et politique : « Continuez à préserver et développer notre culture et nos arts. »
Mohamedsalem Werad insiste également dans une interview pour RFI sur le rôle essentiel de la musique dans la lutte sahraouie : « Nous avons un slogan : ‘La culture et la musique au service de la libération‘, parce que la musique communiquait avec les gens, touchait leur cœur et renforçait leurs convictions quant à la nécessité de se défendre et de lutter pour la liberté de leur pays. » Une mission que ce documentaire entend accomplir, en rendant justice à une figure essentielle de la mémoire sahraouie et en donnant une forte visibilité à son combat pour un avenir libre.
Mariem Hassan, pour un Sahara libre : Titre original : Haiyu – Rebel Singer Mariem Hassan and the Struggle for a Free Western Sahara
Documentaire a f=voir sur FilmDoc
Réalisé par Anna Klara Âhrén, Alex Veitch, Brahim B. Ali, Mohamedsalem Werad • Écrit par Anna Klara Âhrén, Alex Veitch, Brahim B. Ali, Mohamedsalem Werad
Sahara occidental, Suède • 2024 • 90 minutes • Couleur