C’est l’histoire de deux êtres, qui se connaissent sans se connaître, s’aiment sans le savoir, s’attirent sans le vouloir. Elle, Mariam 47 ans, est une belle Burkinabée de l’ethnie des « Djoulas ». Lui, Kader, est Ivoirien de la tribu des «Peul » par sa mère, et « Germa » par son père. Ils se sont connus, il a quatre ans, à Abidjan. Une simple rencontre comme on en fait tous les jours, sans plus. Ils se perdent de vue durant quatre ans jusqu’à ce que le hasard ou le « mektoub », comme on le prénomme ici, décide de les rapprocher…
Kader, célibataire endurci suite à un divorce douloureux, se sent, lui, terriblement seul. Il travaille à l’OMS de Genève ; Il multiplie les déplacements d’affaires ponctués de virées dans les bars, et discothèques où des filles de joie lui font oublier sa solitude, le temps d’un amour monétisé. Il est chargé des relations stratégico-diplomatiques entre les pays de l’Afrique de l’Ouest et les institutions internationales. On peut dire que c’est un homme diplomatiquement introduit. Mais il lui faudra plus d’un tour dans sa valise diplomatique pour s’introduire dans le cœur de Mariam.
Et ce tour de magie c’est Valentine, l’enchanteresse, l’amie de Mariam et la cousine de Kader, qui va l’effectuer ; Valentine, qui n’est autre que la
meilleure amie de Mariam, est une maman, une sœur et une femme d’affaire à la fois. Bref, la connexion semble établie, lorsque Valentine, la truculente entremetteuse, vante habilement les mérites de l’un à
l’autre et vice-versa. C’est plus que du « meetic-speed dating », ou de l’agence matrimoniale, cela relève de tout un art de conviction et de pouvoir de persuasion, par la douceur et la séduction. Elle décide d’organiser un déjeuner chez une amie commune, le dimanche qui suit.
Le dimanche, on fixe la date du mariage
Le charme semble opérer, au moment où, lors d’undéjeuner dominical organisé, les deux jeunes gens se retrouvent et se toisent du coin de l’œil. On aurait dit que d’un seul coup, tout ce qui leur avait été
dicté par Valentine à l’égard de l’autre se manifeste d’une manière évidente. Mais, comment briser la glace ? Il manque le détonateur pour enclencher le processus. Et voilà que le téléphone de Kader va
sonner. Sa maman l’appelle d’Abidjan. Elle, pour qui il demeure le fils unique, lui est aussi, précieuse que la prunelle des yeux. Elle lui lance : « Est ce qu’il est vrai que tu aimes mon fils ? » Elle lui repose la question trois fois de suite comme pour s’assurer de sa sincérité ou pour se rendre à l’évidence : cette fille est prête pour épouser son fils ! Il semble que l’heure ait vraiment sonné pour toi, alors fais-moi plaisir, épouse là au plus vite ! Je te bénis, Je la bénis, Vous êtes bénis toi et Mariam ». Ce genre de sommation maternelle envers un fils de 51 ans ferait doucement sourire en Europe. Mais on ne badine pas avec ces choses-là en Afrique, tant la bénédiction est aussi sacrée que la vie elle-même. Alors aussitôt sommé, aussitôt béni, c’est décidé. La messe est dite, la date du mariage est imminement fixée pour le jeudi prochain.
Eh-bien, vous me croirez si vous le voulez, mais ce défi a été relevé. Tout le monde, en fait les femmes à 90%, se sont retroussées le manches et ont assuré la parfaite mise en place de ces épousailles « marathon ».
Le jeudi, jour J, c’est le 8 mars, journée de la femme !
Jeudi jour J, pari et record de mariage express, gagné ! Ils se seront connus le samedi, auront défié le processus du coup de foudre pour vivre en accéléré ce que certains mettent toute une vie à chercher, parfois
même sans le trouver. Nous sommes le 8 mars, c’est la journée de la Femme, tout un symbole ! La coutume veut que l’on aille directement chez la mère de la mariée, laquelle est censée ne pas avoir bougé de son lit, de « quarantaine de pucelle ». Des centaines d’invités sont installés dans la rue, sous des tentes et marabouts dressés la veille en
guise de salle dansante en plein air. Un orchestre chantonne des chants traditionnels. Les mêmes griotes de la veille sont là à scander des louanges, décidemment très rémunératrices ; puisqu’il s’agit de
déposer des billets sur un tapis posé aux pieds la mariée, pour qu’elles lui chantent ces fameuses bénédictions. C’est la cacophonie générale, mais les gens s’amusent, dansent, rient, boivent, mangent dans
une atmosphère joyeusement poussiéreuse. Ils vivent et manifestent leur joie complice avec les mariés. Des pagnes sont jetés, en symboles de féminité et abondance sur les épaules et jambes de la mariée. C’est ce qu’on appelle ici le « travaillement ». La mariée effectue alors rituellement, trois va et vient entre sa pièce d’isolement et l’extérieur, toujours vêtue de la même tenue blanche en dentelle Ici on ne
badine pas avec la générosité ! Ce n’est qu’après la prière officielle du coucher de soleil à la grande mosquée de Ouagadougou que le marié arrive, tout de blanc vêtu pour emmener sa belle, dans ses appartements. Nous formons alors un cortège bien original, aux allures tradi-modernes, composé de mobylettes, charrettes et 4X4 derniers cris, climatisés, pour les plus âgés d’entre les invités. Le 3ème âge, ici c’est l’âge de la sagesse et c’est l’âge qui bénéficie de tous les respect et égards qui incombent à ce titre. Ici on ne badine pas avec la vieillesse !
Les jeunes et moins jeunes filles du monde entier seraient donc bercées par le même rêve « Dysneyien » de prince charmant arrivant sur son cheval blanc pour enlever la Belle ? Que l’on soit à Ougadougou, à Paris
ou à Los Angeles, l’image d’un idéal prince charmant est si forte qu’elle en devient universelle et aboutirait à la magie du mariage aussi express
qu’improvisé. Gageons qu’ils vivront heureux et auront beaucoup d’enfants comme dans toutes les traditionnelles « happy-end » chères à M Disney, père de nos fantasmes amoureux de jeunesse. Ici on ne
badine pas avec les traditions !