Encore aujourd’hui il existe des mariages d’enfants forcés dans le monde et l’Afrique s’illustre particulièrement. Les taux restent impressionnants.
Dans son article, Amira Elfadil, se penche sur le problème des mariages forcés chez les enfants. Elle donne d’abord des chiffres pour poser le problème et tente de comprendre l’origine des ces pratiques persistantes : pauvreté et conflits sont bien les principales causes. Elle analyse ensuite les quelques avancées de ces dernières années et fait des propositions pour réduire ce phénomène.
L’Afrique subsaharienne enregistre le plus grand nombre de mariages d’enfants au monde. Environ quatre filles sur dix sur ce continent sont mariées avant l’âge de 18 ans, et six des dix pays ayant la plus forte prévalence de mariages d’enfants se trouvent en Afrique. Dans ces six pays, le taux de mariage des enfants, avant 18 ans, varie de 45% à 80%. Le mariage des enfants est une question complexe, générée par de nombreux facteurs. Ses effets sont dévastateurs à long terme sur le physique, le bien-être psychologique et émotionnel des fillettes.
Mariage des enfants et pauvreté
Le mariage des enfants a un impact grave sur les communautés au sens large et sur le développement durable des États dans leur ensemble. La pauvreté est le principal moteur du mariage des enfants : les filles des familles les plus pauvres ont plus de trois fois plus de chances de se marier que celles des familles les plus riches.
Rajoutons que ces jeunes filles qui se marient tôt sont beaucoup moins susceptibles d’achever leurs études primaires et secondaires, ce qui les rend souvent incapables d’obtenir un emploi et donc d’avoir des moyens de subsistance décents. L’impact se fait d’ailleurs ressentir sur le PIB national et le potentiel de croissance économique. Encore une fois, cela renforce la pauvreté.
Mariage des enfants et conflits
Les conflits aggravent eux aussi les risques de mariage des enfants. Dans les contextes de conflit, les filles le mariage forcé est utilisé comme une arme directe de conflit. Elles peuvent être mariées par leurs parents, qui croient qu’elles seront ainsi mieux protégées contre les agressions sexuelles et la violence physique. Les conflits entraînent souvent une rupture ou un affaiblissement des services sociaux destinés à prévenir le mariage des enfants. Cela expose les filles à un plus grand risque de préjudice et de violence.
Pour aller plus loin, et pour mieux comprendre les réalités du mariage des enfants dans les contextes de conflit, il est également essentiel que, ensemble, les États membres, la Commission africaine, et d’autres parties prenantes, s’engagent à accroître l’offre de services destinés aux adolescentes en période de conflit. Cela doit inclure l’éducation, la santé et la nutrition et la fourniture de services de santé sexuelle et reproductive et des services robustes de protection de l’enfance.
Des avancées, mais il reste encore du chemin à parcourir
Le mariage des enfants est un problème transversal. Il s’agit d’une question de sécurité, de développement, d’inégalités culturelles, de santé, de politique, de religion et de genre. La campagne de l’Union Africaine (UA) pour mettre fin au mariage des enfants en Afrique a été conçue pour répondre à la pratique du mariage des enfants dans les pays en tenant compte de cette transversalité. Alors que la campagne entre dans sa prochaine phase quinquennale (2019-2023), conformément au Plan à moyen terme de la Commission, les Etats membres, les organisations non gouvernementales et les partenaires devraient faire preuve de plus d’audace et d’efforts pour mettre fin à cette pratique.
Au cours des quatre dernières années, depuis le lancement de la campagne en 2014, des progrès ont été réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire. Une plus grande coordination est nécessaire. Il faut donc mettre en place un mécanisme continental d’évaluation par les pairs pour suivre les progrès réalisés et réajuster les programmes si besoin.
Il est important que chaque État membre mettre en place une législation qui fixe explicitement l’âge légal du mariage à 18 ans. À cette fin, il convient de veiller à ce que tous les États membres aient signé et ratifié le Protocole de Maputo et la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, qui interdisent les mariages d’enfants.
Au niveau national, les États membres doivent mettre en œuvre des plans intergouvernementaux chiffrés et dotés de ressources axées sur la fin du mariage des enfants. Ces plans doivent viser la prévention et la fourniture de services aux filles mariées. Ils doivent également faciliter la collecte de données ventilées pour permettre de suivre les progrès réalisés.
En fin de compte, le mariage des enfants est une norme sociale. Il est donc essentiel de prendre collectivement les mesures nécessaires pour engager les leaders communautaires et religieux, ainsi que d’autres acteurs communautaires tels que les enseignants, professionnels de la santé et responsables de l’application des lois, pour mettre fin à cette pratique et changer les attitudes à l’égard du mariage des enfants.
Durant sa campagne, l’UA, pour mettre fin au mariage des enfants, a pour mandat de suivre et d’évaluer les capacités des États membres. À cet égard, la Commission a piloté un projet visant à leur fournir une assistance technique pour le lancement de la campagne. Jusqu’à présent, le projet a été déployé dans sept États membres, à savoir l’Éthiopie, le Tchad, le Lesotho, le Zimbabwe, l’Égypte, le Burkina Faso et le Malawi. En plus de fournir une assistance technique, des experts de la jeunesse comblent le fossé existant en matière de communication entre les ministères et la Commission. Des outils d’évaluation et de communication seront partagés.
L’objectif n’est pas moindre puisqu’il vise à trouver des solutions concrètes pour protéger le bien-être psychosocial et général des enfants en Afrique, en particulier ceux qui sont en danger.
Par Amira Elfadil, Commissaire aux affaires sociales de l’Union Africaine. Article initialement publié en anglais par African Executive – Traduction réalisée par Libre Afrique – Le 10 septembre 2018.