Cette période de grandes vacances voit se multiplier les cérémonies de célébration de mariages dans divers quartiers de Niamey, la capitale nigérienne. C’est l’occasion rêvée pour les jeunes filles de trouver un mari ou de danser au rythme du Théri et de Mali Yaro. Mais l’enthousisame ne doit pas minorer le problème économique : un mariage coûte très cher au Niger.
Par Boubacar Diallo
Le Niger est un pays musulman à plus de 90%. Il compte quelque 11 millions d’âmes, dont un nombre supérieur de femmes, et l’un taux de fécondité les plus élevés au monde. Traditionnellement, le Nigérien se marie jeune (moins de 20 ans) et avec de modestes moyens. Aujourd’hui, avec la montée du coût de la vie, beaucoup de jeunes garçons se marient plus tardivement et par ricochet le nombre de vieilles filles s’accroît. Car un mariage coûte cher, trop cher… De nos jours, à Niamey, le mariage est synonyme de dépenses ostentatoires. Il faut compter de 25 à 50 000 F CFA rien que pour demander la main de la belle.
Bien que le montant de la dot soit fixé à 50 000 F CFA, il est aisé de constater que ce montant est, dans la réalité, multiplié par 10, 15 ou même 20. Celle-ci s’étage le plus souvent entre 200 et 500 000 F CFA. Et cela peut monter jusqu’à plusieurs millions dans certaines familles. Pourtant, la loi prévoit 50 000 F CFA pour une jeune fille qui se marie pour la première fois, 35 000 pour la femme qui convole en secondes noces et 15 000 pour une troisième union. A cette enveloppe s’ajoute d’autres sommes importantes entrant dans les dépenses générales du mariage. Situation intenable pour le Nigérien moyen qui n’arrive pas à constituer ce pactole pour convoler en justes noces.
1 million pour trouver femme à Niamey
Pour mettre un frein à ce gâchis et permettre aux jeunes d’accéder plus facilement à cette étape incontournable de la vie, les sages de Goudel (une périphérie de la capitale), ont décidé depuis bientôt 3 ans, de fixer l’ensemble des dépenses à 150 000 F CFA. Une mesure qui porte déjà ses fruits, à la satisfaction générale des habitants de Goudel. A l’université de Niamey, il y a quelques années, l’association des étudiants musulmans avait initié une autre pratique moins coûteuse. Pendant les prêches, les couples désirant s’unir pouvaient se prononcer et le mariage était célébré avec les moyens de bord. Sans tambours ni trompettes.
Malgré tout, pour ceux qui souhaitent se marier dans les règles, l’addition se révèle salée. Le prix des cartons d’invitation se monte à environ 20 000 F CFA le lot de 100 chez l’imprimeur ; les communiqués dans les médias à une moyenne de 50 000 F CFA. Il faut aussi payer la « valise » de la jeune mariée (350 000 F CFA en moyenne) qui contient généralement des tissus, une trousse de toilette, des parfums de classe, des chaussures… Celle-ci est parfois est dopée par l’achat d’un cellulaire (mode oblige). Un gadget qui est souvent dans les mois qui suivent, l’une des principales sources de conflits entre les conjoints… Vient ensuite le jour de la célébration. L’achat des noix de cola, des dattes et la gratification des marabouts prononçant la fatiha de l’union s’élève à environ 100 000 F CFA.
De la fête à la vie de couple
A l’issue de la fatiha, qui dure ¼ heure, les amoureux sont déclarés mari et femme. Commencent alors les réjouissances : il faut nourrir et faire boire plusieurs centaines d’invités, ainsi que les « imprévus » de dernière minute ! Ceux-ci dévorent des sacs entiers de riz ainsi que des carcasses de moutons ou même de veaux. Les amies de la mariée rançonnent ensuite les garçons d’honneur pour louer les chaises de la séance de tam-tam où les jeunes filles et les femmes dansent. A la tombée de la nuit, les invités se retirent pour que le couple passe sa première nuit conjugale. En principe, à l’aube, une tante de la jeune mariée vient récupérer le drap blanc taché de sang (signe de virginité) ainsi que la mariée qu’elle ramène chez papa et maman. C’est l’instant de fierté, de dignité, de bonne éducation pour toute la lignée, en particulier pour le père et la mère de la fille. Content d’avoir trouvé une amoureuse vierge, le jeune époux offre des bijoux en or et bien d’autres cadeaux de valeur à sa jeune épouse…
Le lendemain de la nuit de noces, les parents de la jeune mariée apportent un repas copieux à leur gendre ainsi qu’à ses amis. Puis vient le cocktail dans la soirée. De nos jours, les plus nantis le font dans un hôtel de grand standing. Cela peut coûter de 500 000 à 1 000 000 F CFA la soirée. A la fin de toutes ces festivités, la famille de la mariée envoie, en retour, au jeune couple, des vivres pour une année. Mais également la literie ainsi que d’autres meubles pour orner la maison des nouveaux mariés. Depuis quelques années, certains couples de la capitale vont à la mairie après la cérémonie religieuse pour faire le mariage civil. Rien que la location de la salle leur revient à 50 000 F CFA. Ajoutons à cette enveloppe, les frais d’établissement de l’acte de l’union qui tournent autour de 30 000 F CFA.
Le divorce prend le pas sur le mariage
Malgré toutes ces dépenses et sacrifices, curieusement, les divorces sont aussi fréquents que les unions à Niamey. De nombreux jeunes conjoints divorcent après seulement une ou deux années de mariage. Selon une enquête réalisée par le journal Telquel en février dernier : « En trois ans, les divorces coutumiers enregistrés par l’Association Islamique du Niger sont passés de 640 cas en 2000 à 722 cas en 2002. Le phénomène semble concerner aussi bien les unions traditionnelles que civiles. »
Le mensuel Seeda d’août 2002 annonce quant à lui : « Dans la communauté urbaine de Niamey, le divorce prendrait le pas sur le mariage. 233 mariages ont été enregistrés en 2002 contre 327 divorces et répudiations. » Les causes de ces divorces sont entre autre : le mariage précoce, la violence de l’homme sur son épouse, le refus du mari de prendre en charge totalement les besoins de son épouse (comme le veut la tradition), la polygamie ou encore l’adultère.
Boubacar Diallo est directeur de publication de l’hebdomadaire indépendant Libération (BP 10483 Niamey-Niger).