Les côtes algéroises sont polluées par une nappe de fioul, probablement due au naufrage du Cougar, depuis vendredi dernier. Ce week-end, les équipes de nettoyages ont tenté de faire face à leur » première marée noire « , alors qu’une deuxième vague de rejet est attendue dans les jours à venir.
La plage de Palm Beach, sur la côte ouest d’Alger, avait triste mine dimanche matin. Baignant dans une suffocante odeur de fuel, la plage était envahie par une matière goudronneuse rejetée par la mer. La pollution, dont les traces sont décelables de Zeralda jusqu’à Sidi Fredj, a sévèrement touché la station balnéaire de Palm Beach, fréquentée massivement par les Algérois en période estivale.
Dimanche, le périmètre était bouclé, la plage ravagée et interdite d’accès. » Des plaques noirâtres ont commencé à se déposer sur le sable dès vendredi « , témoigne un habitant, surpris de voir hier à son réveil le branle-bas de combat des services de la Protection civile, de la Gendarmerie et de l’APC de Staoueli qui ont lancé, au petit matin, l’opération de nettoyage.
Naufrage du Cougar
Quelque 500 sapeurs-pompiers ont été dépêchés sur les lieux, assistés par une centaine d’agents locaux, reconnaissables à leurs cirés jaunes. Des grues et des camions ont été mobilisés pour le ramassage et le transport des déchets. Les autorités ont, cette fois-ci, réagi avec une relative promptitude, et dès midi, le ministre de l’Environnement, Cherif Rahmani, était sur les lieux pour évaluer l’ampleur des dégâts.
Le liquide qui souille le littoral ne serait pas étranger au naufrage du Cougar, le cargo battant pavillon Saint-Vincent, survenu jeudi dernier au large des côtes de Tipaza. Une balise de détresse dudit bateau, retrouvée sur la plage de Palm Beach, confirme fortement cette hypothèse, selon les gendarmes présents sur le site. Ces derniers n’excluent pas cependant l’éventualité d’un délestage qui aurait été effectué par quelques navires dans les eaux territoriales algériennes.
Deux sortes de pollution
Le Cougar, parti d’Espagne en direction de la Grèce et transportant 4183 tonnes de kaolin, une sorte d’argile rouge, aurait probablement déversé ce qu’il avait dans ses moteurs au moment de couler. 250 tonnes de fuel et 4000 litres d’huile ont été déclarés par le capitaine du navire aux gardes-côtes. Une quantité qu’il faudra multiplier par quatre pour avoir une idée de la masse exacte des déchets polluants qui seront rejetés par la mer. Avec de modestes pelles, à mains nues ou protégées par de simples sachets en plastique, les équipes de nettoyage ont dégagé, tant bien que mal, le plus gros des plaques gluantes et persistantes collées sur le sable ou enveloppant les tonnes de branchages et objets divers crachés par la mer.
» Nous sommes en face de deux sortes de pollution « , avance le secrétaire-général du ministère de l’Environnement. En plus de la substance noire, une quantité incroyable d’objets largués en pleine mer ont refait surface. Aussi loin que porte le regard, des monticules de détritus noirâtres jonchent le littoral. Les galettes de goudron ont été ramassées dans de grands sachets noirs. Les engins mécaniques ont, par endroit, recouvert tout simplement les énormes taches noires avec le sable. » Ce n’est pas la bonne méthode, crie une experte de l’Agence de protection et de promotion du littoral algérois. » Il ne s’agit pas de remblayer le goudron, qui finira par ressortir un jour ou l’autre « , explique-t-elle avant de s’empresser d’aller donner quelques directives aux nettoyeurs dont » c’est la première marée noire « , qui ne sont donc pas formés à cette tâche délicate.
Deuxième vague
Les galettes de goudron seront stockées dans une fosse imperméable aménagée spécialement au niveau de la décharge des déchets inertes de la commune de Staoueli. Les conclusions de l’analyse du laboratoire de l’Institut national des sciences de la mer et de l’aménagement du littoral, où un échantillon a été déposé, détermineront le devenir de ces déchets.
La houle n’ayant pas encore terminé son travail d’épuration, une deuxième vague de rejet est attendue dans les jours à venir. Après, le moment sera venu d’évaluer l’ampleur des dégâts, d’anticiper sur les conséquences, mais aussi de situer les responsabilités. Dans le point de presse qu’il a animé au bord de cette plage polluée, le ministre de l’Environnement a réitéré l’intention de l’Algérie d’introduire un dossier d’indemnisation auprès du Fonds international d’indemnisation (Fipol). Il a surtout avoué l’incapacité de notre pays à faire face à une plus grande catastrophe écologique.
Monia Zergane