Ce sont plus de 50 ans de carrière que nous fait traverser Calixthe Beyala dans son premier film. Celle de Manu Dibango, chanteur, saxophoniste, pianiste… et observateur attentif et amusé du monde. Devenu une star internationale grâce à son tube « Soul Makossa », le musicien camerounais, pionnier de la World music, se livre avec générosité dans ce documentaire (52min, 2P2L) diffusé ce soir et dimanche matin sur France 5, dans la collection Empreintes.
« Je ne suis pas pur, je suis un mélange ». D’emblée, Manu Dibango donne le ton. Dans les entretiens accordés lors de la réalisation du documentaire que lui consacre France 5, il nous invite à découvrir les rencontres et les voyages qui l’ont façonné. Manu Dibango, chanteur et poly-instrumentiste camerounais, certes. Mais aussi Français et citoyen du monde. C’est cet artiste-là que l’écrivain Calixthe Beyala, française d’origine camerounaise elle-aussi, veut montrer. Un choix nettement imprimé à la réalisation. Ainsi, dès l’entame du film, alterne-t-elle les séquences où on le retrouve au Cameroun, sur le bord d’un fleuve, puis sur les quais de Seine, à Paris.
Né en 1933, à Douala, c’est dans la chorale d’église où chantait sa mère qu’il a découvert la musique. A l’âge de 15 ans, il part, son certificat d’études en poche, poursuivre sa formation en France. Mais au lieu d’étudier comme ses parents l’exigent, il devient musicien, puis épouse une femme blanche. Des choix que son père mettra plus de 10 ans à lui pardonner. Dans ses pas, nous faisons le grand voyage. Du Cameroun vers l’Hexagone. A Saint Calais, dans la Sarthe, il nous présente ses anciens camarades de lycée. A Paris et à Bruxelles, les clubs où il a fait connaissance avec le jazz. Sidney Bechett, Memphis Slim… Des noirs américains, ces « héros » auxquels il voulait tant ressembler.
Cinquante ans de musique
C’est dans la capitale belge qu’il fait ses premières armes. Y sévissent alors des virtuoses congolais, des maîtres de la rumba. Parmi eux, Joseph Kabasélé (dit Grand Kallé), l’auteur du tube « Indépendance cha-cha », qui le fera renouer avec la musique africaine et stimulera sa réflexion politique. De Bruxelles à Léopoldville, au Congo. Et de Léopoldville à Douala, Manu Dibanbo nous entraîne, de sa voix grave et chaleureuse, dans ses pérégrinations illustrées d’images d’archives. Le jeune homme se cherche. Et de retour dans sa ville natale, en 1963, il devient le propriétaire d’un dancing qu’il peine à rentabiliser.
« Je n’étais pas un homme d’affaire », confesse-t-il. Son choix est désormais fait. Il sera d’abord musicien. En 1965, il part pour Paris. « Ca a été un tournant dans ma vie », estime-t-il. A force de travail, il se construit une expérience et un réseau qui lui permettent de vivre de son art et de gagner en notabilité. Mais ce n’est qu’en 1972 qu’il devient une star, après avoir composé l’hymne de la CAN (Coupe d’Afrique des nations). La Face B du disque a changé sa vie. C’est sur elle qu’a été gravé le morceau « Soul Makossa ». Une chanson aujourd’hui connue à travers le monde et reprise par des artistes aussi connus que Michael Jackson, Rihanna et Akon.
« J’ignorais l’homme au-delà de sa bonne humeur affectée », explique Calixthe Beyala. Aussi, dans son film, nous fait-elle découvrir un autre Manu Dibango. L’artiste, avec ses succès, ses échecs, ses doutes. Le citoyen qui, au crépuscule de sa vie, réfléchit sur l’avenir de la France, du Cameroun et du monde. Aujourd’hui grand-père, il se plaît, d’un continent à l’autre, à transmettre son savoir et ses valeurs à ses petits enfants, son rêve d’« une société où ce n’est pas la couleur qui compte, mais l’humain. »
Manu Dibango, un film de Calixthe Beyala, réalisé par Pascal Vasselin, Production 2P2L.
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